Le demi-marathon décortiqué
La distance a beau être la plus populaire en termes de participation, le 21,1 km fait que courir les foules, et pas tant l’élite. Rencontre avec trois bons coureurs de demi et leur entraîneur, à l’aube de la nouvelle saison.
Il est 7h15 et une quinzaine de coureurs enchaînent les tours de piste dans le complexe niché entre la ville et la montagne. Il s’agit du groupe Sub 18.5 de l’entraîneur Dorys Langlois.
«C’est leur VMA. Ce sont des coureurs qui valent moins de 1h30 sur le demi», me dit Dorys entre deux départs. Les coureurs David LePorho et Philippe Viau-Dupuis s’échangent la tête. Le premier s’épargne pour le Championnat du monde de raquette qui aura lieu le lendemain à Lake Placid, le second se remet d’une blessure qui retardera le début officiel de sa saison à l’automne. Les deux marathoniens valent 2h19min37s (David) et 2h21min16s (Philippe).
Au demi? 1h6min52s et 1h7min24s, respectivement. Le nombre de coureurs québécois qui ont franchi le 1h8min au 21,1 km se compte sur les doigts de la main.
«Mais ce n’est rien d’extraordinaire», me dit Philippe, précisant le record mondial de 58min23s. Bianca Prémont, l’une des bonnes coureuses de demi au Québec visant la barre du 1h17min, se définit aussi d’abord comme une marathonienne.
«Le demi-marathon, c’est juste un passage pour nous. C’est au marathon qu’on peut penser peut-être laisser une trace», partage Philippe. David Le Porho, qui contemple le record canadien au marathon chez les maîtres, est du même avis.
DISTANCE INTERMÉDIAIRE
La distance du demi-marathon est un point de rencontre intéressant où les bons coureurs de 10 000 m et les marathoniens se retrouvent dans un duel dont l’issu n’est pas garanti. Un entre-deux qui exige un combo vitesse et endurance particulier.
Son aura ne brille pas autant que la légendaire épreuve de 42,2km. Son absence est marquée aux Olympiques. Puis, le 21,1 km a quelque chose de radin, d’incomplet. La distance est populaire, mais rarement prioritaire.
«Tous mes coureurs font des demis. Il y en a pour qui ça devient le saut vers la longue distance: faire un premier 21,1 km. Mais la plupart le font en préparation à un marathon», résume Dorys Langlois.
«C’est très rare qu’un coureur ait un demi-marathon plus rapide comme motivation principale», ajoute l’entraîneur.
« DIGESTE »
Des carrières prenantes, des enfants qu’on devine tout autant… David, Philippe et Bianca sont un échantillon classique de coureurs semi-élite avec un quotidien bien rempli, qui abatte à travers tout ça plus d’une centaine de kilomètres par semaine. Les trois coureurs aiment la distance, notamment pour son accessibilité.
«On utilise les mêmes qualités que celles du marathon, mais l’épreuve dure deux fois moins longtemps», partage David.
Dorys Langlois résume les demandes du demi. «S’entraîner au demi-marathon exige de trois à cinq entraînements de qualité sur deux semaines afin de développer son VO2max et son endurance limite, comme c’est le cas du marathon. La différence, c’est qu’il est possible de garder son volume en endurance fondamentale plus bas.» C’est-à-dire le lent, le parfois laborieux, le souvent redondant…
Autre gros avantage: la récupération rapide. On peut participer à plusieurs demis dans une saison, sans problème. Ce n’est pas le cas du marathon, même au niveau élite.
«Si je cours un marathon au printemps, je vais prendre l’été à m’en remettre», partage Philippe Viau-Dupuis, pourtant habitué à jongler les demandes physiques d’un entraînement de près de 150 kilomètres par semaine. Traîner de la patte pendant la belle saison, en somme.
La saison est toute jeune. Et si on se concentrait sur le demi ce printemps? Et on aura ensuite tout ce dont on aura besoin, si on souhaite faire le saut au marathon à l’automne, l’année prochaine… ou jamais.