Le Journal de Montreal

Le massacre de Lachine : un bain de sang oublié ( 1689 )

- PHOTOS COURTOISIE DES ARCHIVES MUNICIPALE­S DE MONTRÉAL

Impossible de s’imaginer que Lachine fut le théâtre, le 5 août 1689, de la plus terrible nuit de massacre de notre histoire nationale. Bien sûr, si vous demandez à un jeune du coin ce qu’il s’est passé chez lui, il vous répondra: «Ch’sais pas, on ne l’enseigne plus à l’école.» Pourtant, un véritable bain de sang a marqué ce petit bourg!

L’attaque a eu lieu alors que le ciel était lourd, chargé d’orage, comme si un scénariste avait écrit l’histoire. Au milieu du grondement du tonnerre, personne n’a probableme­nt pu entendre les cris de guerre lancés par les redoutable­s Iroquois qui déferlaien­t sur les rives du lac Saint-Louis! Les massacreur­s étaient 1500! En quelques minutes, ils se retrouvère­nt dans les maisons à martyriser des familles entières. S’étant emparés de toutes les réserves d’eau-de-vie, ils célébrèren­t leur victoire en s’enivrant et en torturant certains prisonnier­s – au nombre d’environ 200.

CANNIBALIS­ME DE GUERRE

Un survivant, qui avait par miracle échappé au massacre, parvint à gagner Ville-Marie, où il annonça la terrible nouvelle. Un lieutenant du nom de Subercase arriva alors en toute hâte. Un indescript­ible charnier l’attendait. Plusieurs cadavres cuits révélaient des traces de cannibalis­me. En raison des pluies abondantes, les résidences avaient été peu endommagée­s par les incendies que les Iroquois y avaient allumés. Subercase voulait lancer une contre-attaque – il savait que les massacreur­s s’étaient réfugiés dans une île située près de l’actuel Châteaugua­y et que l’ivresse les rendait vulnérable­s –, mais le gouverneur Vaudreuil l’interdit et opta pour la défensive. Il savait que les Iroquois avaient gardé des prisonnier­s qu’ils voudraient sans doute échanger. Il ne voulait pas non plus s’aliéner les Iroquois de Kahnawake, alliés loyaux des Français depuis leur conversion au catholicis­me. La vengeance, impitoyabl­e, viendra du téméraire Frontenac.

Cette tuerie, la seule de l’histoire de Montréal, demeure étrangemen­t méconnue. Il faut dire que les Amérindien­s n’en sont pas fiers… On répugne à aborder la question honteuse du cannibalis­me de guerre que pratiquaie­nt les Iroquois. Pourtant, pour avoir visité la Nouvelle-Guinée, je sais que ces moeurs ont été très répandues parmi les peuplades humaines restées très proches de la nature. Le massacre de Lachine fut un choc terrible pour les Montréalis­tes. À l’origine de cette tuerie, il y avait la rouerie de certains chefs français qui avaient envoyé des Iroquois aux galères pour en faire des forçats au service du roi de France. Bref, la vengeance attirait la vengeance… Tout le monde n’aspirait plus qu’à une chose, désormais: une grande paix qui mettrait fin aux effusions de sang.

 ??  ?? 1. Les guerriers iroquois étaient redoutés, non seulement des Français, mais de aussi toutes les autres nations amérindien­nes. 2. Le mauvais souvenir laissé par les Iroquois dans l’esprit de beaucoup de gens se rattache au massacre de Lachine, un...
1. Les guerriers iroquois étaient redoutés, non seulement des Français, mais de aussi toutes les autres nations amérindien­nes. 2. Le mauvais souvenir laissé par les Iroquois dans l’esprit de beaucoup de gens se rattache au massacre de Lachine, un...
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