Le Journal de Montreal

LE CHOC DES IDÉES Des civils à la tête du SPVM ?

- JOSEPH FACAL

L’événement s’est passé le 21 mars 1983.

Jacques Duchesneau, l’un des jeunes enquêteurs les plus en vue de la police de Montréal, passe les menottes à Henri Marchessau­lt, chef de l’escouade des stupéfiant­s, qui utilisait la drogue saisie par ses services pour en faire luimême le trafic.

C’est ce qui m’est venu en tête quand je me suis demandé si la police de Montréal avait déjà été plus secouée qu’elle ne l’est en ce moment.

GRAVISSIME

Jeudi, le président du syndicat des policiers montréalai­s avançait qu’un proche du chef de police serait intervenu de manière inappropri­ée dans des enquêtes criminelle­s.

Le lendemain, le chef de police, Philippe Pichet, annonçait la suspension du directeur adjoint Bernard Lamothe, le plus haut grade après le sien.

Dans une conversati­on captée électroniq­uement, un leader du crime organisé italo-montréalai­s explique à son interlocut­eur qu’il ne craint pas d’être arrêté dans une affaire de paris sportifs illégaux.

«C’est pour ça qu’on les paie», dit-il, faisant référence aux policiers.

D’anciens policiers y vont aussi d’allégation­s qui donnent le vertige.

On allègue des mensonges sous serment pour obtenir des mandats de perquisiti­on contre des collègues.

On allègue des enquêtes internes qui débouchent sur de fausses accusation­s afin d’obtenir le congédieme­nt ou le départ prématuré de collègues.

On allègue que des fonds destinés à payer des informateu­rs auraient été détournés afin de servir à des dépenses personnell­es.

J’allais presque oublier l’espionnage de journalist­es. Tout cela est gravissime. On verra bien quelle est la part de vérité et quelle est la part de fiction, mais cela dessine le portrait d’un service de police déchiré par les rancoeurs et les guerres de clans, où la loi est bafouée et où la protection du public n’est clairement pas le souci premier de plusieurs hauts gradés.

Un fidèle lecteur s’étonnait de mon étonnement.

Le crime organisé, disait-il, mène ses affaires de manière aussi rationnell­e qu’une entreprise légale.

On n’atteint jamais les plus hauts échelons de la criminalit­é sans disposer de protection policière rémunérée.

Cette dimension est littéralem­ent intégrée dans le modèle d’affaires sous le volet des frais de fonctionne­ment.

Vous seriez un criminel naïf et incompéten­t si vous vous lanciez dans des affaires de haut niveau sans «garanties» à cet égard.

Mon lecteur concluait: pourquoi serait-ce différent ici de ce que l’on a vu si souvent ailleurs? Ouais…

AVENIR

Samedi, le directeur du Devoir, Brian Myles, réclamait le départ de M. Pichet.

Il n’est accusé de rien et son dévouement n’est pas en cause, disaitil, mais son autorité morale et, donc, sa capacité à redresser la barque ont disparu.

En effet, jusqu’à quel point pouvezvous corriger un problème systémique, dont vous faites vous-même partie?

Plus largement, que des policiers enquêtent sur des policiers qui, euxmêmes, enquêtent sur d’autres policiers soulève d’innombrabl­es problèmes.

Le moment n’est-il pas enfin arrivé de se demander sérieuseme­nt si la police ne devrait pas être dirigée ou, à tout le moins, être très étroitemen­t supervisée par des civils?

Le moment n’est-il pas enfin arrivé de se demander sérieuseme­nt si la police ne devrait pas être dirigée ou, à tout le moins, être très étroitemen­t supervisée par des civils ?

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Le chef de police, Philippe Pichet
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