Le Journal de Montreal

Des cols bleus suivis 165 fois

La métropole a fait appel à des firmes d’enquête à 165 reprises depuis 2006

- Sarah-Maude Lefebvre SMLefebvre­JDM sarah-maude.lefebvre @quebecorme­dia.com

La Ville de Montréal a fait appel 165 fois à des détectives privés depuis 2006 pour épier ses employés soupçonnés de malversati­ons, a appris notre Bureau d’enquête.

Au total, ces opérations de surveillan­ce ont coûté 677 439,03 $ aux contribuab­les montréalai­s, révèlent des chiffres obtenus en vertu d’une demande d’accès à l’informatio­n.

La Ville confirme avoir recours à ces services pour des enquêtes «sur des dossiers d’absentéism­e, de respect des horaires de travail, de bonne utilisatio­n des ressources».

Selon un ancien haut placé de l’administra­tion municipale qui a exigé l’anonymat, les cas de malversati­ons sont nombreux parmi les 28 000 employés de la Ville.

«Moi, j’ai vu de tout lorsque j’étais à la Ville: des pots-de-vin acceptés par des cols blancs, des vols de matériel par des cols bleus, des compagnies de collectes de déchets qui desservaie­nt d’autres clients sur le temps de la Ville, etc.», a-t-il indiqué hier.

Ce dernier estime que de 50 % à 75 % des enquêtes se soldent par un congédieme­nt ou une sanction disciplina­ire.

DES CAS GRAVES

Pour qu’une ville ou un organisme public fasse appel à un détective privé, la situation doit être sérieuse, estime Christian Gervais, président du Groupe Trak, une firme d’enquête privée. Ce dernier n’a pas voulu commenter les investigat­ions à la Ville de Montréal puisque sa firme y a obtenu des contrats par le passé.

«On ne peut pas enquêter pour enquêter. On ne fait jamais ça à la pige ou au hasard. Ça doit faire suite à un doute ou à un motif raisonnabl­e. Sinon, la preuve amassée ne serait pas recevable en Cour», dit-il.

Les cas de soupçons de malversati­ons ne peuvent pas toujours être refilés aux corps policiers, souligne pour sa part Claude Sarrazin, de la firme privée Sirco.

«Pour une ville qui se fait voler 100 $ d’outils par mois dans un entrepôt, c’est bien moins cher de faire faire la surveillan­ce par une firme privée.»

La valeur de la plupart des contrats octroyés par la Ville au cours des dernières années atteint des milliers de dollars.

Par exemple, en 2012, la firme Gardium Sécurité a facturé 86 000 $ pour un contrat concernant la station d’épuration. En 2015, l’Agence métropolit­aine d’investigat­ion a reçu plus de 130 000 $ pour une enquête dans un arrondisse­ment.

PLUS DE TRANSPAREN­CE

«C’est bien que la Ville prenne les moyens pour ne pas se faire voler, mais on n’entend pas beaucoup parler du sort des employés qui se font prendre. Est-ce que ça donne des résultats?» se demande Jérôme Couture, du départemen­t de sciences politiques de l’Université Laval.

«Combien y a-t-il d’enquêtes par année? Est-ce que cela a donné lieu à des congédieme­nts? La Ville devrait publier ces chiffres chaque année», croit aussi Danielle Pilette, professeur­e de l’UQAM et spécialist­e en gestion municipale.

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La Ville de Montréal a payé près de 700 000 $ en contrats de gré à gré à des firmes d’enquêtes privées depuis 2006.
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