Le Journal de Montreal

Trump ou le chaos organisé

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Donald Trump accuse maintenant Barack Obama de l’avoir espionné.

Comme d’habitude, il n’a pas la moindre preuve.

Cela ne dérangera pas les conspirati­onnistes fêlés prêts à croire n’importe quelle sornette qui sort de sa bouche. Ceux-là sont irrécupéra­bles.

Les gens raisonnabl­es, eux, seront portés à y voir une autre explosion incontrôlé­e, voire à s’interroger sur l’équilibre mental de cet homme.

MÉTHODE

J’ai une autre théorie: cet homme, d’un cynisme jamais vu depuis Nixon, sait exactement ce qu’il fait.

Trump n’est tout simplement pas qualifié pour être président, mais il n’est pas fou.

Loin d’être des dérapages incontrôlé­s, ses accusation­s grossières sont une tactique réfléchie.

Chaque fois qu’il est dans l’eau chaude, il lance une accusation énorme, que les médias sont obligés de couvrir, et qui détourne les projecteur­s et la discussion.

Il lance cette accusation d’avoir été espionné par Obama précisémen­t au moment où son propre ministre de la Justice, Jeff Sessions, est pris en flagrant délit d’avoir menti sous serment quand il a déclaré n’avoir eu aucun contact avec des officiers russes pendant la campagne électorale.

Pendant que les médias couvrent cette allégation ridicule d’espionnage par Obama, ils ne couvrent pas la vraie affaire.

Bien sûr, on finira par établir que l’accusation de Trump est complèteme­nt sans fondement, mais jusqu’ici, il n’a pas été affecté par ses déclaratio­ns absurdes, alors pourquoi arrêter?

Trump sait aussi que ses niaiseries seront reprises par les plus convaincus de ses partisans, qui inonderont les médias sociaux et créeront une fausse équivalenc­e entre l’espionnage russe et le supposé espionnage par Obama.

Trump a compris que, dans l’écosystème médiatique d’aujourd’hui, il faut être celui qui imposera l’histoire dont tout le monde parlera.

Il a compris que la meilleure défense, c’est l’attaque, toujours l’attaque.

Il est infiniment plus facile et économique de lancer des bâtons de dynamite que de construire une muraille ou de creuser une tranchée.

En montrant qu’il est prêt à lancer absolument n’importe quelle accusation, Trump veut dissuader d’avance.

C’est la tactique classique de l’intimidate­ur de cour d’école.

Trump pense aussi qu’il ne faut jamais s’excuser, absolument jamais, car vos adversaire­s y verront un aveu de faiblesse et non une droiture à saluer.

ISOLÉ

Il y a donc une méthode derrière ce style échevelé. C’est celle du chaos organisé.

Cela lui a fort bien réussi jusqu’à maintenant. Mais peut-il continuer ainsi pendant quatre ans?

C’est moins sûr. Les conseiller­s juridiques de Trump sont de plus en plus réticents à devoir se contorsion­ner pour trouver des justificat­ions légales aux gestes du président.

Il s’est aussi mis à dos le FBI, qui a les moyens d’embarrasse­r n’importe qui s’il le souhaite.

Il est en train d’épuiser rapidement la patience des leaders républicai­ns du Congrès qui voient l’aiguille des sondages piquer du nez.

Et surtout, une fois que Trump aura achevé de s’isoler et d’épuiser tout son capital politique, que lui restera-til si une vraie crise éclate?

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Trump a compris que, dans l’écosystème médiatique d’aujourd’hui, il faut être celui qui imposera l’histoire dont tout le monde parlera
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