Le Journal de Montreal

Toute la famille dehors

-

S’aventurer en nature en mode sac à dos et y passer la nuit alors que la neige n’a pas dit son dernier mot? Pourquoi pas. Et c’est beaucoup plus accessible qu’on pourrait croire. Expérience en famille.

Mercredi dernier, il tombait des clous. Le week-end dernier, le mercure chutait sous les -20oC (-30oC, la nuit, dans Lanaudière). Ce serait mentir de ne pas avouer qu’on a pensé à reconsidér­er la chose, c’est-à-dire cette idée de tester l’expérience de randonnée hivernale et de nuit en refuge avec un bébé de 7 mois et un bambin de trois ans. Disons qu’on apaisait les craintes des grands-parents avec un peu moins de conviction.

«Ce sera trop glacé! Ce sera trop froid!» On l’a pensé, et même dit, avant que Jonathan Rowley et Katie Guillemett­e, nos accompagna­teurs, nous rassurent. Il faut dire qu’ils ont un peu d’expérience. Par exemple, plus de 400 kilomètres avec leur bébé d’alors 9 mois en 2015 le long des sentiers des Appalaches, des sorties comme guide en camping hivernal et une vraie expérience pratique de parent sur les sentiers. Le documentai­re Un Bébé sur les sentiers, c’est eux (et à voir!).

L’AVENTURE

En sortant de l’auto, fouettée par un vent au facteur de -30oC, avec deux enfants un peu grognons post-sieste, j’ai eu quelques doutes. Ceux-ci ont gagné en confiance, lorsque j’ai enfilé mon sac à dos de 20lbs, puis mon bébé un peu plus lourd sur moi.

Le conjoint avait un sac un peu moins lourd, mais en contrepart­ie un enfant un peu beaucoup plus pesant, qui peinait à se déplacer sur la glace.

De leur côté, Jonathan, Katie et leur petite Olivia étaient tout sourire, le genre contagieux. Ils avaient eu la bonne idée d’apporter un traîneau, une aide considérab­le en hiver pour transporte­r le matériel jusqu’au refuge…et pour faire plaisir aux enfants parfois fatigués de marcher.

C’est parti. On ne partait pas bien loin. Comme première expérience, on a choisi un refuge à peine à un kilomètre de marche. L’aventure a été petite, mais elle ne faisait que commencer.

DORMIR EN REFUGE

«Vous allez avoir chaud, même trop chaud pour dormir dans la mezzanine», me dit Katie. J’étais sceptique. Il faisait -25oC. J’avais prévu pour les enfants des vêtements chauds, en double, à cause des risques d’accident et de régurgis, évidemment. Tout ça était bien inutile: en refuge, on n’a rien besoin de plus que ce qu’on apporte déjà en camping l’été, la tente en moins.

D’ailleurs, à 18 h, les enfants jouaient en bedaine dans le refuge de 225 pieds carrés, les joues rouges dont la chaleur de la cabine était la principale responsabl­e. C’est que le petit poêle à bois prenait son rôle au sérieux!

Autrement, une table, quatre chaises et une mezzanine où étendre nos matelas de sol. Ce que les enfants appelaient par habitude la salle de bain était en fait une bécosse extérieure. Il fallait y aller avec beaucoup de conviction.

J’ai précisé l’heure, parce que j’avais une montre, mais j’étais bien la seule. La règle d’or qu’on adopte naturellem­ent en forêt dans le calme figé de l’hiver, c’est de se déconnecte­r totalement du temps.

Autour du poêle au bois, la soirée s’est déroulée sans trop de direction, un peu comme les discussion­s, alors que les enfants s’en donnaient à coeur joie avec un rien. Le réchaud nous a éventuelle­ment servi à concocter un bon repas (de nourriture initialeme­nt déshydraté­e), qu’on a mangé bien tard, après avoir regardé les étoiles en coup de vent dans le froid mordant.

Les enfants se sont couchés très tard, comme nous. Les horaires, la routine, le rythme de croisière du quotidien: tout ça prend le bord en refuge.

«Il n’y a rien à faire à part manger, mettre des bûches dans le feu et regarder les enfants, dit Katie. On n’a pas le choix de ralentir.»

LA RANDONNÉE

Ou bien les enfants marchent, ou bien les enfants ne marchent pas. Il y a des âges où c’est assez clair, par exemple pour un bébé de 7 mois, ou un grand de 7 ans. Pour les tout-petits entre deux et quatre ans, une solution mixte est parfois souhaitabl­e.

Notre grand de 3 ans a marché, ou plutôt couru, avant de se lancer dans le traîneau à bout de souffle et de s’y reposer de tant en temps. Olivia, 2 ans, a trouvé son plaisir en trottinant, puis en grimpant dans le sac à dos avec porte-bébé. Les adultes ont marché, crampons au pied, jusqu’au (petit) sommet. Bébé a dormi. Ça allait bien. On aurait bien continué! Mais il faut penser aussi au retour.

«C’est le cas classique: ça va tellement bien, on pense qu’on devrait continuer… et puis il faut se demander si on souhaite que la portion moins agréable, celle où les enfants commencent à se tanner, dure 30 secondes ou une demiheure?» m’explique Katie en riant.

Une courte randonnée, de la glissade, et surtout beaucoup de discussion­s au bord du feu, ponctuées de petits défis (les voyages à la bécosse! La recherche d’eau dans la rivière!): une aventure familiale accessible dans bien des parcs de la grande région de Montréal.

«Je veux retourner à la petite maison dans la forêt», me dit mon fils de 3 ans, déçu qu’on n’y passe pas une seconde nuit. Je l’ai convaincu qu’on répétera l’expérience, bientôt, et il ne s’agit pas de ces glissement­s de vérité qu’on lance de temps en temps, comme parent, pour encourager la collaborat­ion. D’ailleurs, deux nuits ne demande pas plus de matériel qu’une seule m’aura appris Jonathan.

 ??  ?? On n’a pas besoin d’aller bien loin pour vivre toute une aventure en famille: quelques kilomètres de randonnée, une nuit en refuge, et le tour est joué.
On n’a pas besoin d’aller bien loin pour vivre toute une aventure en famille: quelques kilomètres de randonnée, une nuit en refuge, et le tour est joué.
 ?? Véronique Champagne veronique.champagne @quebecorme­dia.com ??
Véronique Champagne veronique.champagne @quebecorme­dia.com

Newspapers in French

Newspapers from Canada