Le dénominateur commun
VERONA, New York | On ne peut pas dire que c’est l’endroit le plus excitant de l’État de New York. En partant, Syracuse, la ville du coin, n’est pas particulièrement attrayante. Et Verona, à une quarantaine de kilomètres, ne compte que 8000 habitants.
C’est là que les nations iroquoises ont décidé d’investir des dizaines de millions dans des lots de terrain en 1993. Quelques années plus tard, Turning Stone était devenue une réserve de la nation Oneida et le fun pouvait commencer.
Aux États-Unis, qui dit réserve dit casino. Et c’est dans ce casino que sera présenté le combat entre Curtis Stevens et David Lemieux samedi soir.
Un endroit idéal pour des promoteurs américains puisque la commission athlétique locale se fout totalement des boxeurs et est consciente que le cash vient du jeu et qu’un combat est intéressant quand il y a HBO pour faire la promotion de Turning Stone.
D’ailleurs, la conférence de presse de promotion a eu lieu à New York hier midi. Ça voulait dire un autre vol d’avion pour s’en venir à Syracuse. Il était 7 heures quand Lemieux et Camille Estephan sont arrivés à l’hôtel. Ça ne laisse pas beaucoup de temps pour se préparer pour un combat aussi dur.
STEVENS, UN DUR À CUIRE
J’ai parlé à David Lemieux avant qu’il ne monte dans son avion pour Syracuse. Il était de belle humeur. Je l’ai trouvé très sûr de lui. J’ai surtout trouvé qu’il était agressif envers Stevens et qu’il mourrait d’envie d’en découdre avec son adversaire pour lui passer le knock-out. Bien plus, il ne se gêne pas pour dire qu’il a hâte de lui faire mal.
Il y a quelque chose de viscéral chez Lemieux. Stevens ne passe pas. Pas capable de lui trouver un côté sympathique. Rien à faire.
PAS UNE BAGARRE DE RUE
Je n’aime pas ça du tout. Même que j’ai hâte que l’entraîneur Marc Ramsay arrive à Turning Stone pour rappeler à son homme qu’il sera engagé dans un combat de boxe samedi et non dans une bagarre de rue. Si Lemieux, aveuglé par le désir d’en finir avec Stevens, oublie qu’il est un bon boxeur avec une bonne technique, il va faire le jeu de Stevens. Et ce gars-là est dangereux. Je l’ai vu passer le knockout en deux rounds à Patrick Teixeira à Las Vegas, le soir où David Lemieux a passé Tapia dans la mit.
Curtis Stevens a mangé plusieurs volées dans sa carrière. Mais chaque fois qu’il a perdu, il a été un bagarreur coriace et extrêmement dangereux. Comme Lemieux, il a affronté Hassan N’Dam, Gabriel Rosado et surtout, Gennady Golovkin.
C’est Golovkin qui sert de dénominateur commun pour ce combat. Les deux hommes ont duré huit rounds contre le «GGG». Les deux ont perdu par arrêt de l’arbitre. Mais Stevens s’est vraiment fait faire mal par le terrifiant Kazakh. Malgré tout, grâce à son style de boxe rapproché et les mains hautes, il arrivait quand même à placer sa gauche. Et elle est solide.
UN COSTAUD BAS SUR PATTES
La plupart du temps, David Lemieux s’attaque à des hommes qui sont plus grands que lui. Cette fois, c’est le contraire. Curtis Stevens ne mesure que 5pieds 7pouces. Mais ses épaules sont larges comme celles de Shea Weber. Centre de gravité bas, torse solide et épaules fortes, c’est un cocktail explosif dans le ring. J’espère seulement que Lemieux saura trouver la fine ligne entre la bagarre et la boxe. Parce qu’il boxe mieux que Stevens.
Au Québec, parce que la boxe est une entreprise sérieuse, nos champions ont le privilège d’affronter les meilleurs au monde sur une base régulière. Lemieux a été champion du monde avant d’affronter Golovkin. Lucian Bute a été champion et a défendu sa ceinture neuf fois. Jean Pascal et Adrian Diaconu ont été champions du monde des mi-lourds avant que le titre ne revienne à Adonis Stevenson. Et on n’a pas oublié les frères Dave et Matthew Hilton, et Éric Lucas qui ont vaincu les meilleurs au monde.
Il faut savourer tous ces grands combats parce que rares sont les villes, à part New York, Londres et Las Vegas, qui sont le siège de tant d’émotions.
En attendant, on est à Verona, dans un casino autochtone qui ne ressemble pas aux grandes bicoques à bingos de Kahnawake.
Et ça sent la boucane de cigarettes…