Le Journal de Montreal

la loi anti-gang manque de dents

Michel Auger sort de sa retraite

- MICHAËL NGUYEN

Quelques jours avant la publicatio­n du Livre noir des Hells Angels, véritable encyclopéd­ie du milieu des motards, le journalist­e qui a survécu à un attentat exprime son opinion.

La loi antigang manque de dents, croit le journalist­e retraité Michel Auger, rencontré en marge de la sortie d'un livre sur les Hells Angels, qui préparent leur retour en force au Québec.

«Avec cette loi, on avait beaucoup d’espoir, on croyait que les Hells qui s’affichaien­t en public pourraient être arrêtés, mais elle n’a pas eu autant d’impact qu’anticipé», explique l’ancien reporter spécialist­e du crime organisé.

Notre Bureau d’enquête sort cette semaine un livre aux Éditions du Journal concernant l’histoire des Hells Angels et leur parcours au Québec. Rencontré dans la salle de rédaction du quotidien auquel il a consacré 22 ans de sa longue carrière, M. Auger a accepté de revenir sur l’attentat dont il a été victime en 2000 et sur toutes les conséquenc­es qu’il a eues sur le monde interlope.

Une partie du livre à paraître, que M. Auger qualifie de «rare document encyclopéd­ique sur l’histoire des Hells Angels québécois», est consacrée à cet événement.

SIX BALLES

«J’ai reçu six balles [en plein stationnem­ent du Journal], et je me suis senti extrêmemen­t chanceux de m’en sortir sans séquelles psychologi­ques, dit-il en rappelant que le tireur n’a jamais été pincé, contrairem­ent au fournisseu­r de l’arme. J’étais le miraculé, j’ai pu continuer, sans être intimidé. Et ça m’a rendu connu, car, encore maintenant, on m’aborde dans la rue!» Le malheureux événement survenu en pleine guerre des motards opposant les puissants Hells Angels aux dangereux Rock Machine a contribué à faire adopter une loi antigang. Parmi les nouvelles dispositio­ns, les accusés reconnus coupables de gangstéris­me doivent purger la moitié de leur peine avant de pouvoir demander une libération conditionn­elle. Un nouvel article du Code criminel concernant l’intimidati­on d’un journalist­e ou encore du personnel de la cour a aussi été créé.

«J’ai été une figure de proue, mais il ne faut pas oublier aussi la vingtaine de victimes innocentes tuées ou blessées», a insisté humblement M. Auger.

Tous les espoirs étaient ainsi permis quand la loi antigang a été adoptée. D’autant plus que l’opération Printemps 2001 avait permis de condamner d’influents membres des Hells Angels, dont le chef de la section élite Nomads Maurice «Mom» Boucher.

«Ce que j’espère, c’est que les gens qui m’ont attaqué ne soient plus là, dit M. Auger. Je pense à “Mom” qui est encore en prison. La pression après l’attaque contre moi a envoyé le message que ce n’était pas une bonne idée de s’attaquer aux médias.»

CONFIANCE MINÉE

Les 156 arrestatio­ns lors de l’opération SharQc en 2009 laissaient croire que le glas avait sonné pour les Hells Angels, rappelle l’ancien journalist­e. Le spectacula­ire arrêt des procédures, sept ans plus tard, a plutôt miné la confiance envers le système judiciaire.

«Aux yeux du public, les Hells Angels ont gagné et le système n’a pas pu rendre justice, explique-t-il. La machine n’a pas été à la hauteur, la lenteur du système a causé des dommages à long terme, le public a perdu confiance. C’est une expérience malheureus­e pour la société que ça finisse comme ça.»

M. Auger constate que le système québécois est peu équipé pour des procès d’envergure. Il le compare à celui américain, où tout peut aller très vite. Une piste de solution serait de retourner à la base, avec des enquêtes policières parfaiteme­nt menées.

«C’est du simple travail policier traditionn­el, il n’y a pas de loi miracle qui va changer ça», affirme-t-il.

Les autorités devront s’activer pour contrer le crime organisé, estime M. Auger. Car le plus grand risque, croitil, est que les bandits tentent maintenant d’infiltrer activement l’économie légale.

«Ça deviendra dur de les pincer», conclut-il.

« La machine (judiciaire) n’a pas été à La hauteur, La Lenteur du système a causé des dommages à Long terme, Le pubLic a perdu confiance. » – Michel Auger

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Michel Auger tient sous le bras le livre inédit qui sort cette semaine. L’ex-journalist­e se porte bien à 72 ans malgré des balles de calibre .22 qui restent dans son corps à la suite de l’attentat dont il a été victime en 2000 (photo du bas).

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