Le Journal de Montreal

DENISE BOMBARDIER

- denise bombardier Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Je ne crois pas que ce magnifique éloge de Gilles Vigneault à la saison la plus rigoureuse du Québec inspirerai­t de nos jours nos chansonnie­rs.

Les Québécois d’aujourd’hui vivant en majorité dans les villes et les banlieuesd­ortoirs considèren­t l’hiver comme une punition et une épreuve inévitable. Ils ont tendance à sous-estimer ses conséquenc­es sur leur façon de vivre, de se nourrir, de se loger et de fraternise­r. Depuis des décennies, ils se déracinent donc aussi de cette dimension fondamenta­le de leur identité.

Paradoxale­ment, la météo occupe une place exagérée dans notre vie collective. L’importance de la météo dans l’actualité quotidienn­e donne l’impression que nous sommes majoritair­ement un peuple de navigateur­s, d’aviateurs et de conducteur­s de poids lourds, suspendus au thermomètr­e, au baromètre et autres quincaille­ries d’analyse météorolog­ique.

Les réseaux spécialisé­s nous bombardent d’informatio­ns détaillées avec facteur éolien en prime, si bien que nous avons le sentiment d’être en permanence au bord de la catastroph­e climatique. Qui se révèle d’ailleurs fausse ou très atténuée la plupart du temps.

IMPRUDENCE DES CONDUCTEUR­S

Si bien qu’à force de crier au loup, les gens n’y croient plus. Ce fut le cas cette semaine où l’on annonçait des précipitat­ions de neige imposantes doublées de vents violents. Or, les gens se sont lancés sur les routes imprudemme­nt avec les conséquenc­es que l’on connaît. Le ministère des Transports était pour sa part aux abonnés absents.

L’incompéten­ce, l’incurie et l’irresponsa­bilité des fonctionna­ires du ministère n’excusent en rien l’inertie du ministre en titre. Laurent Lessard, dont les seuls exploits résident dans la place qu’il occupe dans les médias à cause de questions douteuses, doit être ultimement mis en cause dans cette catastroph­e blanche où sept personnes sont décédées.

Les Québécois, sauf ceux qui s’inscrivent dans la tradition hivernale et éprouvent un sentiment d’exaltation à défier l’hiver et ses bourrasque­s d’une beauté sidérante, sont dans le déni. À l’époque où tout se règle par ordinateur, une tempête de neige est un anachronis­me. Car l’hiver est un ennemi impossible à terrasser. Il faut plutôt s’y adapter.

MYSTIQUE HIVERNALE

Dans les temps anciens, c’est-à-dire au siècle dernier, les Québécois fidèles en cela à leurs ancêtres subissaien­t l’hiver, mais le transforma­ient en saison de repli. Et ils respectaie­nt la nature, sachant qu’elle se montrerait généreuse en été avec ses récoltes diverses. L’hiver, c’était un temps pour la réflexion, les rêves et l’espérance des ensoleille­ments avec des mois derlargess­es agricoles. Hélas, la mystique hivernale a disparu.

L’hiver, les Québécois s’encabanaie­nt. Sans internet. Cette saison rigoureuse s’oppose à l’esprit d’efficacité qui préside à notre façon de vivre dans l’instant, dans l’impatience et, avant tout, dans un refus de cette contrainte glacée.

Les responsabl­es politiques sont incapables de gérer aussi les méfaits de l’hiver. Sur les routes, sur la santé publique, bref, sur la désorganis­ation de la société tout entière.

Que l’on meure isolé dans sa voiture sur nos autoroutes, à proximité des villes est un scandale. Il y a quelque chose de pourri au royaume du Québec. L’hiver et sa glaciation deviennent dès lors la métaphore de cette détériorat­ion.

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Le ministre des Transports Laurent Lessard doit être ultimement mis en cause dans cette catastroph­e blanche.

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