Il a entendu « truie » plutôt que « jolie »
Un dangereux caïd a ordonné une râclée à un autre détenu après avoir mal compris ce qu’il disait de sa copine
En prison, même un compliment peut attirer de gros ennuis. Surtout quand un dangereux criminel vous entend dire que sa blonde «est une truie», alors que vous aviez plutôt affirmé qu’elle était «jolie».
C’est exactement ce qui est arrivé à un détenu de la prison d’Amos, qui a reçu la raclée de sa vie le 3 décembre 2011.
Une juge du tribunal administratif relate cette affaire inusitée dans une décision rendue le 20 février. La cour a déclaré que ce prisonnier avait droit à une compensation financière pour ses blessures au visage en vertu de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels.
D’après ce jugement, le détenu qui aurait confondu les mots «jolie» et «truie» serait nul autre que Yves Denis, l’une des têtes dirigeantes d’un lucratif réseau de trafic de drogue parrainé par les Hells Angels en Abitibi-Témiscamingue et démantelé en 2010 lors de l’opération Écrevisse.
Denis a été transféré à la prison d’Orsainville en 2014 et le 7 juin de la même année, il parvenait à s’évader à bord d’un hélicoptère avec deux complices.
LUI ARRANGER LE PORTRAIT
La victime de l’agression – dont l’identité a été préservée dans le jugement – avait déjà entendu un autre détenu parler de son «boss» Yves Denis comme étant un «capoté» relié aux motards criminels et ayant «le bras long» en prison.
Le 3 décembre 2011, le prisonnier avait la visite de sa mère et, tout près de lui, Denis recevait celle de sa conjointe, au parloir. C’est là qu’il y a eu méprise sur les paroles que le premier a prononcées au second.
«Tu traiteras pas ma blonde de truie», aurait répliqué Denis en l’avertissant «qu’il lui arrangerait le portrait», écrit la juge administrative Christine Côté.
Le soir même, le détenu qui aurait mieux fait de se taire a été attaqué dans sa cellule par trois autres prisonniers. «Mon boss a un message à te faire», l’a alors avisé un des assaillants, qu’il a reconnu puisque c’était le même qui lui avait déjà dit que Denis était son patron.
BATTU PAR « SA » FAUTE
Il a été hospitalisé pour des fractures au nez et à plusieurs os autour de son oeil gauche, qui était «tombé par en dedans».
Craignant pour sa sécurité, le requérant a refusé de porter plainte contre ses assaillants. Mais il a identifié Yves Denis aux autorités carcérales comme étant le présumé «commanditaire de son agression». Aucune accusation n’a été portée.
Depuis sa sortie de prison, à l’été 2012, la Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels (IVAC) refusait sa demande de dédommagement parce qu’il avait «contribué à ses blessures par sa faute lourde».
Il a porté sa cause en appel et le tribunal lui a donné raison. La somme d’argent à laquelle il aura droit reste à déterminer.