Le Journal de Montreal

Il a entendu « truie » plutôt que « jolie »

Un dangereux caïd a ordonné une râclée à un autre détenu après avoir mal compris ce qu’il disait de sa copine

- Eric Thibault EThibaultJ­DM eric.thibault @quebecorme­dia.com 514.599.5888 8037

En prison, même un compliment peut attirer de gros ennuis. Surtout quand un dangereux criminel vous entend dire que sa blonde «est une truie», alors que vous aviez plutôt affirmé qu’elle était «jolie».

C’est exactement ce qui est arrivé à un détenu de la prison d’Amos, qui a reçu la raclée de sa vie le 3 décembre 2011.

Une juge du tribunal administra­tif relate cette affaire inusitée dans une décision rendue le 20 février. La cour a déclaré que ce prisonnier avait droit à une compensati­on financière pour ses blessures au visage en vertu de la Loi sur l’indemnisat­ion des victimes d’actes criminels.

D’après ce jugement, le détenu qui aurait confondu les mots «jolie» et «truie» serait nul autre que Yves Denis, l’une des têtes dirigeante­s d’un lucratif réseau de trafic de drogue parrainé par les Hells Angels en Abitibi-Témiscamin­gue et démantelé en 2010 lors de l’opération Écrevisse.

Denis a été transféré à la prison d’Orsainvill­e en 2014 et le 7 juin de la même année, il parvenait à s’évader à bord d’un hélicoptèr­e avec deux complices.

LUI ARRANGER LE PORTRAIT

La victime de l’agression – dont l’identité a été préservée dans le jugement – avait déjà entendu un autre détenu parler de son «boss» Yves Denis comme étant un «capoté» relié aux motards criminels et ayant «le bras long» en prison.

Le 3 décembre 2011, le prisonnier avait la visite de sa mère et, tout près de lui, Denis recevait celle de sa conjointe, au parloir. C’est là qu’il y a eu méprise sur les paroles que le premier a prononcées au second.

«Tu traiteras pas ma blonde de truie», aurait répliqué Denis en l’avertissan­t «qu’il lui arrangerai­t le portrait», écrit la juge administra­tive Christine Côté.

Le soir même, le détenu qui aurait mieux fait de se taire a été attaqué dans sa cellule par trois autres prisonnier­s. «Mon boss a un message à te faire», l’a alors avisé un des assaillant­s, qu’il a reconnu puisque c’était le même qui lui avait déjà dit que Denis était son patron.

BATTU PAR « SA » FAUTE

Il a été hospitalis­é pour des fractures au nez et à plusieurs os autour de son oeil gauche, qui était «tombé par en dedans».

Craignant pour sa sécurité, le requérant a refusé de porter plainte contre ses assaillant­s. Mais il a identifié Yves Denis aux autorités carcérales comme étant le présumé «commandita­ire de son agression». Aucune accusation n’a été portée.

Depuis sa sortie de prison, à l’été 2012, la Direction de l’indemnisat­ion des victimes d’actes criminels (IVAC) refusait sa demande de dédommagem­ent parce qu’il avait «contribué à ses blessures par sa faute lourde».

Il a porté sa cause en appel et le tribunal lui a donné raison. La somme d’argent à laquelle il aura droit reste à déterminer.

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Le passage à tabac d’un détenu s’est déroulé à la prison d’Amos, où Yves Denis (en mortaise) avait la réputation d’être un «capoté». Ce dernier purge une peine de 16 ans pour trafic de drogue, gangstéris­me et évasion, en plus d’être toujours en attente...
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