Le trouble-fête
Éric Duhaime, un polémiste qui manie le verbe avec outrance, est un fort en gueule et un émotif rationnel qui carbure à l’angoisse. Il cherche avant tout à déranger et cela explique sans doute, en partie, que son observatoire de prédilection se situe à droite. Mais pas n’importe quelle droite. Il s’agit de la droite libertarienne dont se réclament nombre d’Américains, supporters de Trump.
Éric Duhaime vient de publier un essai sur sa sortie du placard, une démarche personnelle et intime, on en conviendra. Or, il réussit à faire monter aux barricades les ténors les plus virulents du lobby gay en titrant son ouvrage La fin de l’homosexualité et le dernier gay, publié aux Éditions de l’Homme (cela va de soi...). Éric Duhaime, l’animateur-vedette de FM93 à Québec, estime que le Québec est une des sociétés les plus tolérantes quant à l’homosexualité. Il assure même que ce militantisme, comme il est vécu chez nous avec son défilé de la fierté gay et son combat contre l’homophobie systémique, n’a plus sa raison d’être.
Éric Duhaime est donc un gay iconoclaste, qui, se réclamant de la liberté d’expression, proclame haut et fort que la majorité hétérosexuelle au Québec pratique l’ouverture d’esprit et qu’elle est désormais indifférente à l’orientation sexuelle des gens. Les Québécois s’accommodent tout simplement de cette réalité. Le pamphlétaire n’écarte ni des comportements homophobes ni l’intimidation dans les écoles, mais il affirme que celle-ci vise aussi les filles, les obèses, etc.
RÉACTIONS NÉGATIVES
L’homme a choisi son camp depuis longtemps. Celui de la droite. Ce qui, au Québec, provoque depuis toujours des réactions négatives, en particulier dans le milieu de la gauche médiatique. Une déferlante s’abat aujourd’hui sur Éric Duhaime, qui, avec ses opinions, fait fi de la rectitude politique.
Car Éric Duhaime, peu importe la justesse de ses idées, incarne à travers sa personne et ses écrits une tradition pamphlétaire au Québec, comme celle d’Arthur Buis, qui dans le Québec catholique du 19e siècle dénonçait l’Église et son haut clergé.
Les nouveaux clercs d’aujourd’hui ont simplement changé d’oripeaux, mais leur discours est toujours chargé d’excommunication. On n’a qu’à écouter des porte-parole autoproclamés des gays et des féministes pour s’en convaincre.
DÉSILLUSION
La réflexion d’Éric Duhaime sur le lobby gay, comme sur le lobby féministe d’ailleurs, fait donc éclater cette censure volontaire que pratiquent tant de politiciens, de gens des médias et de porte-parole officiels en tous genres. La langue de bois alimente ainsi la désillusion que l’on ressent partout autour de nous.
Éric Duhaime fait donc oeuvre salutaire avec cet essai. Ce qui ne nous empêche pas d’en constater les limites. On aurait pu se passer de certaines descriptions à caractère sexuel et d’une forme de complaisance à se dépouiller de son intimité.
Ceux qui grincent des dents en écoutant ses envolées verbales lancées sans filtre se sentiront justifiés de l’accabler. Mais ceux qui estiment qu’on doit discuter de l’homosexualité et du féminisme au Québec sans user de précautions langagières remercieront Éric Duhaime. Son audace n’est pas son aveu d’être gay, c’est de penser par lui-même.