Le Journal de Montreal

Et si Potter avait parlé des transgenre­s ?

Imaginons deux secondes qu’au lieu de son texte méprisant sur les Québécois, Andrew Potter ait écrit sur le «malaise social» des transgenre­s.

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Pensez-vous sérieuseme­nt que le réputé magazine Maclean’s aurait laissé passer un texte qualifiant tous les transgenre­s de «dysfonctio­nnels»? Jamais. Mais quand vient le temps d’écrire des énormités basées sur des sottises, si tu craches sur les Québécois, «anything goes», comme on dit à Toronto.

DEUX POIDS, DEUX MESURES

Vendredi dernier, j’étais interviewé­e à Radio Noon, l’émission du midi de CBC Montréal, animée par Shawn Apel. L’animateur m’a demandé quelle différence il y avait entre le texte de Potter et d’autres chroniques publiées dans Le Journal de Montréal critiquant les travers de la société québécoise. «La différence, lui ai-je répondu, c’est que même si on critique allègremen­t les défauts de la société québécoise, personne ne traite huit millions de personnes de pathologiq­uement aliénées.»

Dans cette histoire de chronique ridicule publiée dans un magazine respectabl­e par un prof respectabl­e d’un institut prestigieu­x d’une université respectabl­e, ce qui me frappe, c’est qu’on ait toléré l’intolérabl­e. Un beau cas de deux poids, deux mesures.

Imaginez si Potter avait écrit sur la population asiatique de Vancouver en disant que leurs restaurant­s sont insalubres, qu’ils sont toujours stationnés en double file et qu’ils baragouine­nt tellement mal l’anglais que personne ne les comprend. Pensez-vous que Maclean’s aurait publié de tels préjugés?

Imaginez si Potter avait écrit, au sujet des autochtone­s vivant en ville, qu’ils sont tous saouls, qu’ils sont incapables d’occuper un emploi et qu’ils sont des asociaux. La direction de Maclean’s aurait-elle fait la promotion intensive de son texte sur Twitter?

Imaginez si Potter avait écrit que les gais baisent avec tout ce qui bouge dans les saunas, qu’ils n’ont qu’eux à blâmer pour les maladies transmises sexuelleme­nt qui les affligent et que la mafia rose fait en sorte qu’ils se donnent toujours des jobs entre eux. Est-ce que Margaret Wente, dans le Globe and Mail, aurait défendu la «liberté académique» de Potter?

Et maintenant, dernier exercice de logique, imaginons que, dans la phrase suivante du texte de Potter on ait remplacé le mot «Québécois» par le mot «musulman». Ça aurait donné: «Comparativ­ement aux autres citoyens, [les musulmans] forment une communauté presque pathologiq­uement aliénée, qui n’a confiance en personne et à qui il manque même la plus élémentair­e des capacités de socialisat­ion que les autres citoyens tiennent pourtant pour acquises.»

Vous savez quoi? Non seulement Maclean’s n’aurait jamais publié un tel torchon, mais, en plus, Potter se serait fait traiter de suprémacis­te blanc, de xénophobe, d’islamophob­e, de raciste, et il se serait fait botter le derrière.

Mais on en est rendu là, en 2017, dans certains médias du Canada anglais. Bouffer du «Canayen français», ça passe comme du beurre dans la poêle. Et on peut publier sans sourciller des propos honteux, factuellem­ent erronés, qui seraient inacceptab­les s’ils portaient sur une autre minorité.

DO YOU SPEAK POTTER ?

Dans sa lettre de démission, Potter qualifie lui-même son travail de sloppy. En français, on traduit ça par «bâclé», «négligé». Au Québec, on appellerai­t juste ça un travail «botché».

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada