Le Journal de Montreal

- Mireille Deyglun, fille de Janine Sutto

- CÉDRIC BÉLANGER

Jusqu’à son dernier souffle, Janine Sutto s’est accrochée à la vie. Aimée de tous, la grande dame du théâtre et de la télévision québécoise a rendu l’âme paisibleme­nt, durant la nuit de lundi à hier, après avoir été veillée par sa fille, Mireille Deyglun. «Elle a fait beaucoup de bien aux gens», a confié cette dernière dans un touchant témoignage offert au Journal.

Mme Sutto, 95 ans, est morte de cause naturelle à 4h10, dans une maison de soins palliatifs où elle avait été admise vendredi dernier. Elle avait été hospitalis­ée le 10mars pour des problèmes pulmonaire­s.

«Nous savions qu’elle vivait ses derniers moments. Elle a beaucoup résisté. Je pense qu’elle ne voulait pas nous quitter. Elle est allée au bout de sa vie», a confié Mme Deyglun, très sereine dans les circonstan­ces.

«Lundi après-midi, nous avons passé de très beaux moments. Nous étions six femmes de son entourage autour d’elle. Je sentais qu’elle s’en allait, qu’il fallait qu’elle parte. J’ai passé la nuit à ses côtés, j’ai dormi avec elle, je lui ai

beaucoup parlé. Elle est partie en douceur.»

«ELLE ADORAIT GILLES...»

En entrevue, la voix de Mireille Deyglun s’est brisée à deux reprises. D’abord, quand elle a parlé de son rôle de grand-mère. «Sa plus grande joie», a-t-elle dit en étouffant un sanglot. Idem quand elle a évoqué le lien très fort qui l’unissait à Gilles Latulippe, son partenaire dans le téléroman Poivre et sel, au milieu des années 1980. «Elle adorait Gilles, qui était aussi secret qu’elle. Je pense qu’ils se respectaie­nt énormément pour ça. Ils s’aimaient sans se rendre de comptes, sans trop se parler...» Le défunt comique s’était notamment battu auprès de Radio-Canada pour que Mme Sutto obtienne le même salaire que lui. Un geste remarquabl­e, étant donné que l’équité salariale n’est pas encore acquise trente ans plus tard. «Ma mère n’avait aucune notion de l’argent. Elle était très bohème. C’est lui qui l’a prise par la main en lui disant: “Tu viens avec moi, on négocie ensemble et tu auras le même salaire que moi”. Gilles a été extraordin­aire pour ma mère.»

AIMÉE DE TOUS

Comme comédienne, Janine Sutto a été aimée de tous les publics, «ce qui était exceptionn­el pour une femme de sa génération», indique Mme Deyglun, qui cite La mort d’un commis voyageur, Les Belles-soeurs et Symphorien parmi ses rôles marquants.

«Les gens ont adoré Berthe L’Espérance. Elle est devenue quelqu’un d’important pour tout le monde. Encore aujourd’hui, des gens de toutes les nationalit­és lui disaient qu’ils avaient appris à parler français en regardant Symphorien.»

Ce qu’elle retient d’elle? «Sa force». Il en fallait pour élever seule deux enfants, dont Catherine, la soeur de Mireille, atteinte de trisomie21, morte en 2011. «Il n’a jamais été question une seule seconde qu’elle la place. Elle a dit à mon père (Henry, mort du cancer en 1971): il n’y aura pas de problème, je vais les élever et les aimer toutes les deux.»

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