Des étudiants autochtones déboussolés à l’université
Des chercheurs plaident pour qu’ils soient mieux accueillis et soutenus à l’UQAM
Isolement, malaises dans le métro et perte de repères. Les étudiants autochtones vivent de l'angoisse lorsqu'ils arrivent à l'université et manquent de soutien, particulièrement à l'UQAM, dénoncent des chercheurs.
«Quand je suis arrivé [à Montréal], j’étais stressé en raison du trafic. Dans le métro, je faisais des crises de panique», raconte Terry Randy Awashish, de la Nation attikamek. Étudiant en design graphique à l’UQAM, le jeune homme de 25ans a grandi dans la communauté d’Opitciwan, près de La Tuque, à plus de dix heures de route de Montréal.
Le cas de M. Awashish n’est pas unique, révèle une étude menée par deux chercheurs qui ont rencontré 12Autochtones étudiants ou ex-étudiants de l’UQAM pour connaître leur réalité.
Des étudiants qui quittent une communauté où ils connaissaient tout le monde se retrouvent en ville complètement perdus, ont constaté les chercheurs. Leur pavillon d'étude est parfois plus grand que leur village d'origine et certaines règles essentielles à la vie universitaire leur échappent. Par exemple, une étudiante ignorait qu'on pouvait emprunter les livres de la bibliothèque. D'autres ont raconté avoir dû surmonter un manque de confiance en leurs capacités scolaires et le racisme vécu dans leur enfance (voir extraits du rapport).
CLIVAGE
Il y a un grand clivage entre les Autochtones qui ont grandi dans une région éloignée et ceux qui ont fréquenté un cégep ou sont habitués au fonctionnement du système, explique Léa Lefevre-Radelli, doctorante en sciences des religions.
Ce sont surtout ceux qui viennent de loin qui en arrachent, puisqu’ils sont laissés à eux-mêmes. «Ils tombent dans les mailles du filet. Et même du filet statistique».
Combien y a-t-il d’étudiants autochtones à l’UQAM?
Impossible à dire, le registraire ne détient pas ces données, se sont fait dire les chercheurs. Ils ont toutefois pu mettre la main sur des chiffres du ministère des Affaires autochtones qui indiquent qu’ils seraient 70 (voir encadré).
La plupart étudient en sciences humaines ou en arts, note Mme Lefevre-Radelli. Certains abandonnent en cours de route. «Mais beaucoup sont extrêmement résilients. Ils ont une motivation interne très forte».
Il est donc impératif que l’université mette en place des mesures pour mieux accueillir et soutenir ces étudiants, conclut le rapport. «Sans quoi ça reproduit une logique coloniale où l’université est difficilement accessible», explique-telle.
RETARD
«Les universités francophones ont beaucoup de retard par rapport aux universités anglophones» en termes de mesures d'accueil et de soutien, affirme Mme Lefevre-Radelli. «Si on se dit toujours qu’il n’y a pas assez d’étudiants autochtones pour agir, on ne fera jamais rien. Ça prend une volonté politique».
Par exemple, l’embauche d’agents de soutien et la sensibilisation du personnel seraient des pistes.
Aussi, la création d’un local où ils pourraient se réunir serait bienvenue, comme c’est déjà le cas dans plusieurs universités de la province qui ont un pavillon autochtone.
«Ce serait vraiment le fun d’avoir une place où se socialiser. Actuellement, on est dispersés. Ce serait plus motivant. On pourrait s’entraider», suggère M.Awashish.
Le vice-recteur de l’UQAM René Côté était présent lors du lancement de l’étude et dit souhaiter tout faire pour encourager la réussite et l’inclusion de ces étudiants. Un groupe de travail sera d’ailleurs créé pour l’élaboration d’une politique en ce sens.