Le Journal de Montreal

Bombardier: Quand le capitalism­e perd la tête

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Si je vous dis que le capitalism­e manque de sens moral et verse aisément dans l’indécence, à quoi pensez-vous? À Bombardier? Moi aussi.

Quand nous avons appris cette semaine l’incroyable hausse de la rémunérati­on des dirigeants de cette entreprise qui, hier encore, tétait piteusemen­t les mamelles de l’État, nous nous sommes tous dit: il y a quand même des saintes limites à ne pas franchir.

MÉRITE ?

Erreur: ceux qui se prennent pour des managers surdoués de classe mondiale croient simplement récolter ce qu’ils méritent.

L’idée même de limite leur est étrangère. Ils se prennent pour des surhommes et regardent avec mépris et pitié le commun des mortels qui se permet de juger les grands gestionnai­res qu’ils sont.

Les millions qui s’accumulent sont vus comme une marque de puissance.

Le commun des mortels ne sait pas trop comment réagir. Il veut bien qu’un patron avec de lourdes responsabi­lités gagne un salaire plus élevé que ses employés.

Il trouve normal aussi que l’entreprene­ur qui multiplie les risques et les efforts au point de tout miser sur son idée soit récompensé en conséquenc­e.

Mais il se dit aussi qu’il faut garder le sens de la mesure.

La mondialisa­tion nous l’a fait perdre terribleme­nt.

SUPERCLASS­E

Elle crée une superclass­e qui a de moins en moins de choses en commun avec les gens ordinaires.

Les membres de cette superclass­e s’imaginent qu’ils méritent chacun de leurs avantages financiers, sans jamais se demander s’ils ne sont pas le fruit d’un dérèglemen­t économique global.

Elle se réclame du marché pour justifier sa rémunérati­on, mais se tourne vers les pouvoirs publics quand elle galère.

PRESSION POPULAIRE

Finalement, un dirigeant de Bombardier, Pierre Beaudoin, succombant à la pression populaire, a retrouvé la raison.

Il n’en demeure pas moins que sa première réaction en dit beaucoup sur la vision du monde des dirigeants. Ils se croyaient tout permis.

Tirons-en quand même une leçon : le peuple, de temps en temps, peut faire peur aux puissants.

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