Le Journal de Montreal

Les Z’Amours : le moton dans la gorge

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Rendu à Tim Raines, j’avais le moton dans la gorge. Quand ses deux petites filles se sont élancées dans ses bras pour se serrer contre lui, je me suis brassé le dedans. Fallait quand même pas être sentimenta­l à ce point.

Ça faisait belle lurette que le moton grossissai­t. David Palmer ne m’a pas trop ému. Faut dire que Palmer avait déjà cette allure de jeune homme tranquille à 20 ans. Mais il avait du chien sur le monticule et ne s’en laissait pas imposer. Mais c’est pas avec lui qu’on a tous fait nos folies.

Mais l’entrée sur le terrain de «Spaceman» Bill Lee m’a atteint en plein coeur. Lee et son sourire de la planète Mars, sa chevelure blanche ébouriffée, ses yeux bons et amoureux de la vie, était déjà un dégingandé tout croche quand il avait gagné 16 matchs pour les Expos en 1979.

Puis sont arrivés Jeff Reardon, la douleur encore inscrite sur son visage malgré sa guérison, et Warren Cromartie, showman éternel, et j’ai craqué. J’ai compris que c’était ma jeunesse que je revivais avec Al Oliver, Steve Rogers, tout élégant avec son air de prof d’université, et Dennis Martinez, qui s’avançaient pour venir trouver le maire Denis Coderre…

JEUNES... IRREMPLAÇA­BLES

Si «Spaceman» a la tête blanche, j’ai la tête blanche. Si Tim Raines a pris du coffre, j’ai pris plus de coffre. Si Al Oliver marche en tirant de la jambe, je marche en tirant des deux jambes. La droite a été opérée et le genou gauche est prévu pour septembre.

Mais en 1979, la première année des grandes équipes des Expos, Tim Raines n’avait que 19 ans et tous les autres étaient de tout jeunes hommes. Mais ce qu’ils pouvaient être aimables. Et fougueux. Et libres penseurs.

Je les regardais sur le terrain et je pensais à Bernard Cyr qui oeuvre au pupitre du Journal, à Serge Touchette, le retraité le plus regretté du baseball, à Marcel Lajeunesse, à MONSIEUR Milo, à P.L. et aux autres «Pantoufle», «Françâs», «Groucho», «Bijou» et compagnie qui ont rendu ces saisons complèteme­nt débiles, folles et inoubliabl­es.

DES HISTOIRES ET DES HISTOIRES

Ils ne seront jamais oubliés parce qu’il continue de s’écrire de beaux et bons livres sur les Expos, nos Z’Amours. Et qu’il s’est tourné de bons films.

Et il y aura toujours un journalist­e aux cheveux blancs pour raconter la fois où Charlie Fox, le patron des Expos, a planté son poing dans la face de Steve Rogers dans le vestiaire de l’équipe, et la fois où… et la fois que… et la fois…

Je regardais Steve Rogers et je me disais que malgré le circuit de Rick Monday, c’est quand même lui que je choisirais pour lancer un match de séries. Mais que Dennis Martinez ne serait pas tuable non plus. Et que finalement, le meilleur lanceur dans l’histoire des Expos aura été Pedro Martinez, même s’il a atteint sa maturité avec les Red Sox de Boston.

Et puis, ce torturé qu’était déjà Jeff Reardon aurait dû recevoir l’appel de Jim Fanning pour aller lancer la neuvième manche contre les Dodgers. La rumeur a couru pendant 35 ans qu’il avait trop mal au dos pour lancer. On le sait aujourd’hui, ce n’était pas le cas.

Pierre Durocher a écrit une histoire poignante cette semaine en nous faisant vivre l’horrible dépression dans laquelle a sombré Reardon après la mort de son fils. Une dépression noire comme le diable qui a duré six ans.

Le «Terminator» a déjà sauvé 41 matchs pour les Expos. Comme dirait le «Moose», 41 games, c’est des

games en ta…

LA COURSE DES BARMEN

Ceux qui étaient là n’oublieront jamais. Les Expos des années 1980 n’ont pas gagné la Série mondiale pour différente­s raisons. Mais je peux vous le dire, la cocaïne a été une de ces raisons.

Ils étaient jeunes, ils étaient célèbres et les pushers les cherchaien­t. Tellement qu’en 1982, Tim Raines s’est retrouvé dans un centre Betty Ford, au sud de Los Angeles.

J’avais accepté d’aller couvrir une course de barmen et de waiters dans les rues de Los Angeles pour avoir la chance de dénicher Raines au centre de désintoxic­ation. Mon accent m’avait vite démasqué. Je ne pouvais être un lointain cousin et je n’ai jamais pu franchir la réception.

Je me suis consolé en buvant du Perrier citron, le commandita­ire de la course.

En 1987, les propriétai­res se sont unis illégaleme­nt pour ne pas faire d’offre aux joueurs autonomes. Un acte de collusion qui sera condamné par la justice américaine quelques années plus tard.

Je m’étais rendu à Sanford, dans le centre de la Floride, à la résidence de Raines. Il avait été gentil et affable. Et m’avait donné une foutue bonne entrevue. À son retour au jeu en mai, il avait été le meilleur joueur des Expos le reste de la saison. Par une bonne marge.

LA CLASSE D’AL OLIVER

Je regardais aussi Al Oliver sur le terrain. Un tantinet débraillé. Ça doit être les années puisque «Scoop» était le joueur le plus élégant du baseball majeur.

Il arrivait au stade avec des pantalons beige vers 16 heures et repartait avec des pantalons foncés après le match. Question d’harmoniser les couleurs avec l’ambiance. Et à San Francisco, pendant qu’il se curait les dents avec son tootpick en or avec pointe en diamant, il avait précisé que le comble de la classe, c’était de «matcher» la couleur des bobettes avec celle des pantalons.

J’étais rendu là dans mon éducation au St.Francis Hotel quand «Bijou» était entré dans le resto-bar. Je n’ai pas eu le temps d’aller plus loin dans l’apprentiss­age de la classe. Quand même, c’est à San Francisco que j’ai découvert mon style vestimenta­ire. Pantalons d’entraîneme­nt et t-shirt noir.

LE RETOUR DES Z’AMOURS

Vous dire comment cette équipe et tout ce beau monde étaient éclatés est impossible. Ça prendrait un gros livre et encore. Sachez qu’on appelait Charles Bronfman, le milliardai­re propriétai­re respecté et vénéré dans le monde des affaires par tous les lardons de la business, ben qu’on l’appelait Charles gros comme le bras et qu’il avait un fun noir à venir jaser avec les membres de la bande. Des fois, jusqu’à 3 heures du matin dans un vol revenant de la Californie.

La vie est un éternel recommence­ment. Dans trois ans, dans cinq ans peut-être, de nouveaux jeunes journalist­es vont appeler Stephen Bronfman… Steve gros comme le bras. Et vous voulez savoir? Il va avoir un fun noir.

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L’entrée sur le terrain de « Spaceman » Bill Lee m’a atteint en plein coeur.

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