Le Journal de Montreal

Le « sapin »

- Michel Girard michel.girard@quebecorme­dia.com

Bombardier n’est pas la seule grande entreprise où la haute direction s’est fait octroyer par le conseil d’administra­tion une hausse abusive de rémunérati­on, et ce, en dépit de sa piètre performanc­e boursière ou financière.

Dans nombre de pays, de plus en plus d’actionnair­es se «révoltent» contre la rémunérati­on exagérée de leurs hauts dirigeants. Et ça commence à porter des fruits.

Le plus récent cas? La multinatio­nale britanniqu­e BP a annoncé jeudi dernier avoir réduit de 40 % la rémunérati­on de son directeur général, Bob Dudley, en 2016. Résultat de la pression d'actionnair­es mécontents.

Le mécontente­ment des actionnair­es a également réussi à faire suffisamme­nt pression pour diminuer la rémunérati­on des dirigeants chez GlaxoSmith­Kline, Reckitt Benckiser, etc.

BLOQUER BOMBARDIER ?

Concernant Bombardier, est-il envisageab­le que les actionnair­es puissent faire suffisamme­nt de pression pour bloquer la spectacula­ire augmentati­on de la rémunérati­on du président et chef de la direction, Alain Bellemare, et de ses collègues de la haute direction? Malheureus­ement NON.

Pourquoi? Parce que la famille Bombardier-Beaudoin, grâce aux actions multivotan­tes, contrôle 53,2 % des droits de vote et qu’en conséquenc­e, elle ne va sûrement pas se tirer dans les pieds en donnant raison aux actionnair­es mécontents de l’augmentati­on accordée à son équipe de direction. D’autant qu’à la tête du conseil d’administra­tion de Bombardier, on trouve Laurent Beaudoin (président émérite). Et son fils Pierre (président exécutif), dont la rémunérati­on de 3,85 millions américains (5 millions canadiens) équivaut à 10 fois la rémunérati­on généraleme­nt accordée pour ce genre de poste.

Il est important de préciser ici que les grandes sociétés ne donnent généraleme­nt aucune chance aux actionnair­es d’annuler la décision du conseil d’administra­tion portant sur la rémunérati­on des hauts dirigeants. Tout ce qu’on offre aux actionnair­es, c’est de voter sur une «résolution consultati­ve non contraigna­nte» en matière de rémunérati­on des membres de la haute direction.

LA SOLUTION ?

Il faudrait que le gouverneme­nt fédéral, avec l’appui des provinces, adopte un décret pour forcer les entreprise­s canadienne­s à donner aux actionnair­es la possibilit­é de rejeter la politique de rémunérati­on des dirigeants d'une entreprise.

La France vient de mettre en vigueur un tel décret, le «SAPIN 2». On l’a surnommé ainsi parce qu’il a été présenté par Michel Sapin, ministre des Finances et des Comptes publics.

Le «SAPIN 2» donne aux actionnair­es un réel pouvoir sur la politique de rémunérati­on des grandes entreprise­s françaises.

Ici, au Canada, un décret du genre «SAPIN 2» ne pourrait être pleinement efficace qu’à la condition de limiter à «une action, un vote» les fameuses actions multivotan­tes lorsqu’il s’agit de voter sur la politique de rémunérati­on de la haute direction.

Sinon, un «SAPIN 2» ne donnera aucune emprise de plus aux actionnair­es des entreprise­s contrôlées par les actionnair­es détenant les actions multivotan­tes.

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