Des soldats harcelés veulent des excuses
Une pétition a été mise en ligne pour forcer le gouvernement canadien à agir rapidement
QUÉBEC | Réclamant des excuses qui ne viennent toujours pas, d’ex-militaires expulsés de l’armée canadienne en raison de leur homosexualité ont lancé une pétition dans l’espoir que le gouvernement Trudeau passe enfin de la parole aux actes.
Près de six mois après que l’émission J.E. ait levé le voile sur la chasse aux homosexuels qui avait court dans l’armée dans les années 70 et 80, d’ex-militaires ont maintenant l’impression d’avoir été oubliés après les belles paroles du gouvernement Trudeau.
Malgré la nomination d’un conseiller spécial et la promesse d’une annonce rapide, plus rien ne semble bouger. «Vous savez que ç’a eu lieu, vous avez les preuves, on a des dossiers qui le prouvent. Enlevezvous les doigts dans le nez et faites de quoi», demande Brigitte Laverdure, instigatrice de la pétition.
Les faits sont troublants. Entre 1973 et 1992, jusqu’à 800 militaires homosexuels ont été traqués par la police «anti-gai» de l’Unité des enquêtes spéciales (UES). Les militaires identifiés comme gais ont été congédiés en vertu du règlement OAFC 19-20, qui comparait l’homosexualité à une «déviance sexuelle» comparable à la «bestialité».
DÉTECTEUR DE MENSONGES
Parmi eux, Michel Poulin, de Québec, a été traqué puis renvoyé sur la base de son orientation sexuelle. Alors qu’il était sergent-instructeur à l’École de combat de Valcartier, des agents de l’UES ont souhaité l’interroger à l’été 1984.
«Ils m’ont amené dans une petite chambre, ils étaient trois. Il y avait une machine, c’était un détecteur de mensonges», raconte l’homme de Québec. «Ils tournaient en rond, ils me demandaient si j’allais dans les bars gais. Puis ils m’ont demandé si j’étais gai, j’ai dit “oui je suis gai”», explique celui qui ne voulait plus mentir sur ce qu’il était.
Une fois la réponse obtenue, le sergent Poulin a été convoqué par son commandant afin qu’il signe une lettre de congédiement. «Il demandait mon licenciement parce qu’il avait des doutes raisonnables que j’étais homosexuel».
Refusant de signer le papier, le militaire affirme que l’armée a alors lancé l’information sur son orientation sexuelle partout à Valcartier. «Tout le monde a vu ça. Ça fait une traînée de poudre, tout le monde disait “Poulin c’est une tapette”», raconte l’homme qui a ensuite signé sa lettre de démission.
Les militaires interrogés sur la base de OAFC 19-20 exigent donc que le gouvernement du Canada agisse sans délai. «Je demande des excuses publiques et des compensations pour les problèmes psychologiques et la perte de travail», demande M. Poulin.