Le Journal de Montreal

Des soldats harcelés veulent des excuses

Une pétition a été mise en ligne pour forcer le gouverneme­nt canadien à agir rapidement

- Nicolas Saillant NSaillantJ­DQ

QUÉBEC | Réclamant des excuses qui ne viennent toujours pas, d’ex-militaires expulsés de l’armée canadienne en raison de leur homosexual­ité ont lancé une pétition dans l’espoir que le gouverneme­nt Trudeau passe enfin de la parole aux actes.

Près de six mois après que l’émission J.E. ait levé le voile sur la chasse aux homosexuel­s qui avait court dans l’armée dans les années 70 et 80, d’ex-militaires ont maintenant l’impression d’avoir été oubliés après les belles paroles du gouverneme­nt Trudeau.

Malgré la nomination d’un conseiller spécial et la promesse d’une annonce rapide, plus rien ne semble bouger. «Vous savez que ç’a eu lieu, vous avez les preuves, on a des dossiers qui le prouvent. Enlevezvou­s les doigts dans le nez et faites de quoi», demande Brigitte Laverdure, instigatri­ce de la pétition.

Les faits sont troublants. Entre 1973 et 1992, jusqu’à 800 militaires homosexuel­s ont été traqués par la police «anti-gai» de l’Unité des enquêtes spéciales (UES). Les militaires identifiés comme gais ont été congédiés en vertu du règlement OAFC 19-20, qui comparait l’homosexual­ité à une «déviance sexuelle» comparable à la «bestialité».

DÉTECTEUR DE MENSONGES

Parmi eux, Michel Poulin, de Québec, a été traqué puis renvoyé sur la base de son orientatio­n sexuelle. Alors qu’il était sergent-instructeu­r à l’École de combat de Valcartier, des agents de l’UES ont souhaité l’interroger à l’été 1984.

«Ils m’ont amené dans une petite chambre, ils étaient trois. Il y avait une machine, c’était un détecteur de mensonges», raconte l’homme de Québec. «Ils tournaient en rond, ils me demandaien­t si j’allais dans les bars gais. Puis ils m’ont demandé si j’étais gai, j’ai dit “oui je suis gai”», explique celui qui ne voulait plus mentir sur ce qu’il était.

Une fois la réponse obtenue, le sergent Poulin a été convoqué par son commandant afin qu’il signe une lettre de congédieme­nt. «Il demandait mon licencieme­nt parce qu’il avait des doutes raisonnabl­es que j’étais homosexuel».

Refusant de signer le papier, le militaire affirme que l’armée a alors lancé l’informatio­n sur son orientatio­n sexuelle partout à Valcartier. «Tout le monde a vu ça. Ça fait une traînée de poudre, tout le monde disait “Poulin c’est une tapette”», raconte l’homme qui a ensuite signé sa lettre de démission.

Les militaires interrogés sur la base de OAFC 19-20 exigent donc que le gouverneme­nt du Canada agisse sans délai. «Je demande des excuses publiques et des compensati­ons pour les problèmes psychologi­ques et la perte de travail», demande M. Poulin.

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