Le Journal de Montreal

Une buanderie en a contre les salaires dérisoires des détenus

- MICHAËL NGUYEN

Un entreprene­ur dénonce le travail des détenus fédéraux qui, payés 6 $ par jour, créerait une «concurrenc­e déloyale» avec le secteur privé.

«Sans dévalorise­r la réhabilita­tion, des détenus pourraient faire perdre des emplois à d’honnêtes travailleu­rs», peste Pierre Ferron, de Buanderie Blanchelle.

Sa compagnie embauche 260 employés, mais depuis que l’État peut soumission­ner dans des appels d’offres, il dit risquer de devoir supprimer des emplois.

«Je paye mes employés 16 $ l’heure, comment est-ce possible d’être concurrent­iel contre des rémunérati­ons de 6 $ par jour?» demande-t-il.

PAS MOINS CHER

Malgré cette disparité dans les salaires, les différence­s de prix ne sont pas majeures, s’étonne M. Ferron. «Corcan [le programme de travail des détenus] soumission­ne juste en dessous et pourtant, sa main-d’oeuvre ne coûte rien», affirme-t-il.

Dans des documents publics du gouverneme­nt provincial, on peut voir que Corcan a gagné un appel d’offres de 1,5 million $ en septembre dernier en soumission­nant juste au-dessous.

Questionné par Le Journal, Services correction­nels Canada a expliqué que malgré les salaires des détenus, les coûts ne sont pas moins élevés qu’au privé.

La porte-parole Julia Scott cite en exemple les dépenses supplément­aires comme le salaire des instructeu­rs et les mesures de sécurité.

FAIBLE PRODUCTIVI­TÉ

En plus de devoir couvrir certains coûts plus élevés par rapport au privé, la productivi­té est aussi plus basse, expliquent les services correction­nels.

C’est qu’il faut former au travail de blanchisse­rie des détenus qui ne resteront pas forcément sur une longue période. Le taux de rotation est donc élevé, sans compter les fermetures pour raisons de sécurité.

«Le tout fait en sorte que le coût complet d’opération n’est pas moins élevé que dans le secteur privé», explique Julia Scott, tout en rappelant l’objectif de réhabilita­tion des détenus.

Mais ce qui agace M. Ferron, c’est que Corcan ne semble pas être en mesure de répondre à la demande. Ainsi, Corcan se voit parfois obligé de sous-traiter le travail au privé.

Les services correction­nels font alors appel aux entreprise­s qui avaient perdu les appels d’offres.

«Quand un fournisseu­r ne peut pas fournir le service, il ne devrait pas pouvoir soumission­ner», peste-t-il.

Les détenus, de leur côté, s’indignent de leur salaire et certains parlent même de «travail forcé».

Ils se sont récemment adressés à la Cour fédérale afin de forcer le gouverneme­nt à hausser leur rémunérati­on à environ 12 $ par jour.

Après trois jours d’audience, le magistrat a pris la cause en délibéré.

« Je paye mes employés 16 $ l’heure, comment est-ce possible d’être compétitif contre des rémunérati­ons de 6 $ par Jour ? » – Pierre Ferron

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Le propriétai­re de Buanderie Blanchelle, Pierre Ferron, affirme que le salaire des détenus à 6 $ par jour crée une concurrenc­e illégale avec son entreprise. Malgré tout, les tarifs de l’organisme chargé du travail sont similaires à ceux de son...

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