Le Journal de Montreal

La justice à « Jordan »

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Notre système est-il devenu si malade qu’on libère des présumés meurtriers parce qu’on n’a pas le temps de les juger? Cette question est au coeur d’une controvers­e qui montre les limites atteintes par la justice chez nous. La réponse est oui. La preuve: un homme accusé d’avoir égorgé sa jeune femme de 21 ans vient d’être libéré parce que son avocat a plaidé «l’arrêt Jordan» qui dicte les délais judiciaire­s. Une décision qui lève le coeur et qui doit être contestée.

DEUX CAS

Que le présumé meurtrier ait une impression­nante feuille de route en matière de violence conjugale n’a pas ému le juge qui a fait prédominer la lenteur des procédures sur la gravité du crime. C’est vrai qu’elles se sont étirées dans cette affaire. En partie, estime le juge, à cause de la Couronne. L’homme a failli être jugé en 2015. Puis la date a été changée. On ne sait pas trop pourquoi. L’homme était emprisonné depuis août 2012. Soit depuis 56 mois. Il est maintenant libre comme l’air.

Au même moment, cinq autres présumés meurtriers qui plaidaient «Jordan» n’ont pas eu cette chance. Ils se sont fait refuser leur sortie. Accusés d’avoir fait la peau d’un caïd du crime organisé, ils devaient subir leur procès en janvier 2018… 56 mois plus tard. Tiens donc! Pourquoi ce qui vaut pour l’un ne vaut-il pas pour les autres?

DEVOIR DE JUSTICE

À la lumière de ce qui semble être «du poids, deux mesures», on est bien obligé de se poser la question: le meurtre d’une femme est-il moins grave aux yeux de la justice que celui d’un bandit? Les apparences nous portent à le croire. Cela mine la crédibilit­é de la justice, qui se doit d’être la même pour tous.

On a rappelé le manque criant de juges à la Cour supérieure, le fait que Québec, qui vient d’en engager, se soit réveillé un peu tard, et qu’Ottawa dorme encore au gaz. Ces nomination­s sont nécessaire­s, on est d’accord. Mais en attendant que la justice s’organise, comment accepter qu’on efface le meurtre sauvage d’une femme pour une «formalité» judiciaire? On ne le peut pas.

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ISABELLE MARÉCHAL Journalist­e, animatrice

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