Le Journal de Montreal

Tous les coups sont permis

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Il n’y a rien de plus jouissif, dans un film ou une série, que de voir deux personnes comploter l’une contre l’autre de façon machiavéli­que. On n’aime pas la chicane dans notre vie, mais à l’écran on se frotte les mains quand deux personnage­s s’envoient des vacheries ou complotent pour faire tomber l’autre.

Et c’est pour ça que j’ai les orteils retroussés quand je regarde la nouvelle série télé de l’heure Feud (qu’on peut traduire par chicane, dispute ou querelle). Susan Sarandon et Jessica Lange incarnent au petit écran la vraie rivalité de deux comédienne­s de l’âge d’or du cinéma américain: Bette Davis et Joan Crawford. Attention: la switch est à bitch.

TASSE-TOI MATANTE !

Davis et Crawford ont joué ensemble dans le film What

Ever Happened to Baby Jane en 1962 et leur rivalité sur le plateau de tournage était épique. Une guerre nucléaire! Et c’est ce qu’on voit dans Feud. Ces deux femmes ont tout fait pour se nuire: inventer des fausses rumeurs pour nuire à la réputation de l’autre ou appeler tout le bottin des artistes pour empêcher l’autre d’être choisie aux Oscars.

Beaucoup d’observateu­rs ont écrit que la série Feud était féministe. Selon eux, la série montre qu’à l’époque les actrices étaient de pauvres victimes, manipulées comme des marionnett­es par des hommes qui alimentaie­nt leurs querelles parce que c’était payant pour les magazines à potins.

Personnell­ement, j’y vois exactement le contraire: cette série montre que les femmes sont les pires ennemies des femmes. Elles n’ont absolument pas besoin d’un homme pour se planter des poignards dans le dos.

Pourquoi exigerait-on que ces deux actrices soient «solidaires» l’une de l’autre? Juste parce qu’elles sont du même sexe? Demande-t-on à deux hommes de mettre de côté leur poussée de testostéro­ne au nom de la «solidarité masculine»?

Le cinéma est un monde de compétitio­n, féroce. C’est «au plus fort la poche». Tous les coups sont permis. Pour arriver au sommet et durer, il faut ce qu’il faut. Et ça, Davis et Crawford l’avaient très bien compris.

MIROIR, QUI EST LA PLUS BELLE ?

Ce qui est touchant dans Feud, c’est que la réalité des comédienne­s sert de miroir à la réalité des personnali­tés qu’elles jouent. Susan Sarandon et Jessica Lange incarnent Bette Davis et Joan Crawford au moment où elles voient leurs charmes dépérir et leur corps changer.

Or, Sarandon et Lange sont très loin des beautés fatales qu’elles ont déjà été. Jessica Lange, en particulie­r, est carrément méconnaiss­able.

En regardant les épisodes de Feud, on pourrait dire: «C’est inacceptab­le, le milieu du cinéma est cruel.» Mais c’est la vie qui est cruelle. C’est le temps qui passe qui est impardonna­ble: il creuse des sillons sur nos joues, ajoute des kilos à nos hanches.

COMPLOT ET MANIGANCE

L’histoire de Davis et Crawford est la première d’une suite de querelles qui seront racontées dans le cadre de plusieurs autres séries Feud. La prochaine portera sur la chicane entre la princesse Diana et le prince Charles. Rappelez-vous la guerre entre ces deux-là, les manigances et les complots!

Quelque chose me dit que je vais avoir les orteils retroussés de plaisir pendant encore plusieurs épisodes!

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