Le Journal de Montreal

Des provinces dans la boucane

- MaRio duMont

Justin Trudeau a tenu parole: la marijuana sera légalisée. Personnell­ement, j’aurais préféré qu’il tienne parole à garder le déficit modeste et qu’il mette la pédale douce sur le pot, mais c’est lui qui gouverne. Vous sentez Philippe Couillard et les membres de son gouverneme­nt irrités? C’est le cas.

Ils sont plus qu’irrités, mais les mots décrivant leur humeur dans le dossier du cannabis ne s’écrivent pas dans Le Journal. À la base, peu de gens dans l’équipe Couillard partagent l’enthousias­me de Justin Trudeau quant à la légalisati­on du point de vue de leurs conviction­s personnell­es.

Leur malaise actuel dépasse cependant ces simples préférence­s personnell­es. Politiquem­ent, il s’agit d’un terrible piège, à 18 mois des élections au Québec. Le gouverneme­nt du Québec ramasse sur sa table de travail une foule de considérat­ions compliquée­s. Il fait face à des risques de dérapage ainsi qu’à des occasions de se faire des ennemis.

TOUT POUR JUSTIN

En contrepart­ie, le gouverneme­nt Couillard est assuré de recueillir un gros zéro crédit politique. Ceux qui souhaitent la légalisati­on de la marijuana vont toujours donner 100% du mérite à Justin Trudeau. C’est lui qui l’a promise, c’est lui qui a défendu l’idée publiqueme­nt, c’est lui le héros incontesté de la légalisati­on.

Même si Philippe Couillard et son équipe faisaient un travail sans faute et sans bavure dans la mise en oeuvre de cette politique (ce qui n’arrive presque jamais dans l’implantati­on d’une nouvelle politique), ils ne ramasseron­t aucun crédit. Au mieux du mieux, ils n’y perdront pas de plumes.

Le débat sur la légalisati­on se fait sur le grand principe. Justin Trudeau a gagné la bataille de l’opinion publique là-dessus. Or les provinces ont la tâche vraiment complexe de la mise en oeuvre de cette nouvelle politique, c’est-à-dire les règles entourant la distributi­on et la vente du précieux produit.

Nous avons vu mille fois, dans l’histoire, des gouverneme­nts partir d’un beau principe et se casser la gueule dans l’exécution. Justin Trudeau a le beau rôle puisque le sale boulot est transféré aux provinces, dans le fonctionne­ment du Canada.

MILLE ÉCUEILS

Vous voulez des complicati­ons pour les provinces? Elles sont responsabl­es des vraies affaires. La sécurité, la santé, les écoles, les hôpitaux. C’est là que les mauvais côtés vont rebondir. La conduite avec les facultés affaiblies par la drogue pourrait causer des morts. Des partys de muffins au pot qui vont mal tourner finiront à l’urgence de l’hôpital. Tout ça, c’est dans la cour des provinces.

Québec doit aussi choisir le réseau de vente. La SAQ? Un nouvel organisme à qui on donne un monopole d’État? Des boutiques privées à qui on délivrerai­t un permis? Quel que soit le choix, il y aura un flot d’insatisfai­ts.

Le Québec s’associe à l’Ontario dans la mise en place d’une approche commune en matière de cannabis. Habile. Monsieur Couillard pourrait utiliser cette alliance comme point de départ pour un front commun des provinces afin de ralentir Justin Trudeau.

Les occasions de mal paraître avant l’élection d’octobre 2018 sont nombreuses et Philippe Couillard le sait.

Justin Trudeau a le beau rôle puisque le sale boulot est transféré aux provinces dans le fonctionne­ment du Canada

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