Les autistes au travail
Plus rigoureux, ponctuels, créatifs, sérieux…
Nicolas Vicenzo cumule les pertes d’emploi depuis son entrée sur le marché du travail il y a 5 ans. Alors qu’il s’apprête à commencer un nouveau boulot, il a cette fois-ci préféré avertir ses patrons qu’il était autiste dès l’entretien d’embauche.
«Pour moi, c’est un échec après l’autre. Ça ne marche pas, dit d’emblée l’ingénieur informatique de 33 ans. Parfois, les entreprises me disent qu’ils n’ont plus de travail à me donner. Parfois, c’est l’environnement qui est inconfortable et je n’arrive plus à travailler.»
Depuis sa dernière perte d’emploi, en janvier, il a passé 15 entrevues en 3 mois. Il a reçu récemment une première réponse positive et s’apprête à commencer un nouvel emploi dans une entreprise informatique où il testera les fonctionnalités de certains logiciels.
Contrairement à d’autres expériences passées, il a dit à ses nouveaux patrons qu’il était Asperger lors de l’entretien d’embauche. Il a aussi pris le temps de leur expliquer ce qu’implique sa condition.
«J’ai souvent eu peur de dévoiler que je suis autiste. Mais maintenant, je préfère qu'ils soient conscients de ce que je suis, malgré les préjugés. Parce qu’il y a encore beaucoup de tabous», dit-il.
Nicolas a reçu un diagnostic de syndrome d’Asperger quand il avait 16 ans. Il a reçu de l’assistance durant ses études collégiales et universitaires, notamment pour prendre des notes pendant ses cours. Il avait aussi plus de temps pour faire ses examens.
«Je peux travailler, mais je suis une personne qui prend son temps. Je fais les choses une fois et je les fais très bien», dit le Montréalais.
C’est d’ailleurs le noeud du problème. Dans les différents emplois qu’il a occupés, M. Vicenzo s’est souvent buté à un rythme de travail trop rapide, ce qui est un défi pour une personne Asperger.
«J’ai souvent eu peur de dévoiler que Je suis autiste. Mais Maintenant, Je préfère qu’ils soient conscients de ce que Je suis, Malgré les préJugés. » – Nicolas Vicenzo, ingénieur informatique
PERTES D’EMPLOI
Au total, il dit avoir été embauché et remercié 6 fois entre 2012 et 2017. Certaines expériences n’ont duré qu’un mois ou deux. La dernière fois, il n’a pas eu accès au chômage et a fait de petits contrats de photo pour subvenir à ses besoins.
Selon lui, la majorité des compagnies pour lesquelles il a travaillé n’ont pas la volonté de comprendre la réalité des autistes.
Il rêve de travailler dans un milieu conçu sur mesure pour les personnes comme lui qui lui permettrait d’exploiter au maximum ses compétences en informatique. «Je voudrais aussi que ma présence soit appréciée et qu’on écoute mes idées», soutient-il.
Sa plus longue expérience de travail a duré un peu moins de deux ans, dans une boîte où il faisait du contrôle de qualité sur les logiciels.
Il y a rencontré plusieurs personnes d’origines différentes et s’y plaisait beaucoup. Ses collègues étaient aussi plus compréhensifs, dit-il. Malheureusement, son poste a été supprimé en raison de compressions budgétaires.
Nicolas dit ne pas connaître les raisons exactes de chacun de ses congédiements, mais il se doute bien que son autisme y est pour quelque chose.
«Quand j’ai perdu mon dernier job, on m’a dit qu’il n’y avait plus de travail pour moi. Mais je pense qu’il y avait un motif caché», déplore-t-il.
Il se souvient d’ailleurs d’un contrat où il devait développer, seul, pendant 3mois, le code pour tester une application web. Il a été laissé à lui-même, sans instructions claires.
«J’étais paniqué, je n’arrivais pas à penser. Ils m’ont mis dans une situation qui était hors de mon contrôle», dit-il.
Il affirme avoir besoin d’un suivi quotidien et d’une liste de tâches sans ambiguïté pour bien faire son travail.
Néanmoins, dans ce cas précis, Nicolas a pris son courage à deux mains et demandé à ses patrons de l’encadrer davantage, ce qui a amélioré le tout.
INDÉPENDANCE
Malgré ses difficultés professionnelles, Nicolas a quitté la maison familiale à l’âge de 29 ans, il y a quatre ans, pour s’installer seul en appartement à Montréal, une fierté pour lui.
«Je suis très content de mon indépendance. Je suis en contrôle de ma propre vie, confie-t-il. J’ai des aspirations comme les autres personnes… je veux trouver une femme, fonder une famille, je veux acheter une maison et mettre de l’argent de côté pour ma retraite. Mais pour ça, j’ai besoin d’un travail.»