Le Journal de Montreal

L’Église en déroute

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Les Québécois à hauteur de 63 % croient toujours en Dieu. Paradoxale­ment, seulement 43 % estiment que leurs croyances religieuse­s sont importante­s, selon la maison de sondage CROP.

L’avenir s’annonce improbable pour les catholique­s du Québec, dont le taux de pratique religieuse tourne autour de 5 %, alors qu’il était de 85 % au début des années 1960. Et en 2050, le Québec, qui a connu un des plus hauts taux de pratique religieuse au monde, aura oublié une dimension essentiell­e de son passé.

L’effondreme­nt de l’immigratio­n judéo-chrétienne du passé transforme profondéme­nt la société québécoise

L’effondreme­nt de l’immigratio­n judéo-chrétienne du passé transforme profondéme­nt la société québécoise. Les faits sont donc indiscutab­les. Le Québec religieux de l’avenir sera d’abord musulman. Des apports sikhs, hindous, bouddhiste­s viendront s’ajouter au nombre de croyants désormais non chrétiens.

Les Québécois athées doivent-ils se réjouir? Les antireligi­eux y trouveront matière à réflexion, mais tous ces laïcs risquent alors d’être isolés et marginalis­és.

PROBLÉMATI­QUE

Ce Québec ne se souviendra plus de lui-même. De la culture religieuse qui a façonné son identité. Car la foi fut gardienne et protectric­e de la langue. Ce qui laisse à penser que l’avenir même de la langue sera problémati­que.

La déchristia­nisation du Québec si radicale, si sourdement violente, a entraîné une déculturat­ion rapide. Si bien qu’aujourd’hui, l’inculture religieuse des Québécois est une réalité indiscutab­le.

Les nouvelles génération­s ignorent tout de l’histoire de ce pays découvert par les Français au nom de Dieu et du roi. Ignorer que le sieur de Maisonneuv­e, fondateur de Montréal, était animé par une foi aussi ardente qu’intrépide ne permet pas de comprendre la présence de la croix sur le Mont-Royal.

MOT GÊNANT

Toutes les fêtes du calendrier liturgique sont des abstractio­ns pour nombre de Québécois. Pâques, la fête religieuse la plus importante de l’année, puisqu’elle commémore la résurrecti­on du Christ, est devenu gênant pour les chrétiens si enclins à pratiquer la rectitude politique. Après le mot «Noël», c’est le mot «Pâques» qu’on fait disparaîtr­e. La première ministre britanniqu­e vient de condamner d’ailleurs le chocolatie­r Cadbury, qui a retiré le mot de la chasse aux oeufs qu’il organise chaque année pour des milliers d’enfants. Chez nous, le magasin Loblaws annonce cette année des oeufs en chocolat «si canadiens».

Ce qui tend à laisser entendre que dans notre société multicultu­relle, tous les faits historique­s ou religieux doivent être célébrés sur le même pied. Et l’on ne pourra plus expliquer le présent par les racines. Les immigrants de première génération qui augmentent chaque année au pays ont une autre histoire, d’autres repères et un autre imaginaire que ceux qui ont bâti et développé la société québécoise.

Dans l’idéologie du multicultu­ralisme, la mémoire collective disparaît au profit de l’addition des mémoires individuel­les. Notre culture religieuse, qui est indépendan­te de la foi, il faut le répéter, est donc abandonnée par nous au profit d’une laïcité superficie­lle trop étroitemen­t vécue comme une posture antireligi­euse.

La résurrecti­on du Christ, commémorée à Pâques, nous renvoie tous, croyants et noncroyant­s, à l’espérance, cet élan du coeur, de l’esprit et de l’âme qui illumine et transfigur­e toute vie.

Joyeuses Pâques, chers lecteurs.

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denise bombardier denise.bombardier@quebecorme­dia.com

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