Le Journal de Montreal

Ne tirez pas sur le transport en commun !

- ANTOINE ROBITAILLE @Ant_Robitaille antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Halte aux grands projets de transports en commun? On dirait que c’est le slogan du printemps 2017.

À Montréal, après l’enthousias­me des débuts, le Réseau électrique métropolit­ain fait face à une demande d’injonction. À Québec, l’opposition au projet de Service rapide par bus (SRB) est féroce: toutes les radios parlées ont décidé cette semaine de se liguer contre lui.

La responsabi­lité des défenseurs du SRB est évidente. Imbu de son pouvoir absolu, le maire Régis Labeaume n’échange plus avec personne sur quoi que ce soit. Ses multiples revirement­s de veste sur la question du transport à Québec n’ont pas aidé le dossier.

Au gouverneme­nt du Québec, le ministre des Transports, Laurent Lessard, se montre la plupart du temps abscons (permettez un mot du jour). Sinon, ses arguments sont bizarres. Pourquoi le SRB? «Quand je [roule vers] Montréal, puis que je me fais dépasser par le train, je me dis ah! peut-être que j’aurais dû l’utiliser.» Drôle d’exemple…

Quant au ministre responsabl­e de la Capitale-Nationale, François Blais, dire qu’il n’a pas le don de rendre un projet emballant est un euphémisme.

DOUBLE REJET

Dommage. Le REM et le SRB ne sont pas parfaits; mais ne pas les réaliser aggravera des problèmes — la congestion au premier chef — que leurs adversaire­s déplorent pourtant.

À Québec, le rejet du SRB se double d’une haine de tout transport en commun. Pourtant, le parc automobile y explose.

De 2007 à 2016, il a crû de 17,5 %, soit 13,4 % de plus qu’ailleurs au Québec, nous apprenait Le Journal: 777000 véhicules immatricul­és, un record.

Nulle surprise que les problèmes de congestion augmentent.

«Pas sûr qu’on ait besoin d’un meilleur système de transport en commun à Québec», m’écrivait-on récemment. L’explosion du nombre de voitures est pourtant un des nombreux indices clairs que le transport en commun est déficient à Québec.

Si on pouvait aller plus facilement travailler ou se divertir en autobus, achèterait-on autant d’autos?

L’ami chroniqueu­r retraité Michel Hébert m’a déjà confié avoir fait le test: partir de son cher Beauport pour se rendre au travail sur la colline parlementa­ire en autobus lui avait pris une éternité. En voiture? 10, 15 minutes. Je lui rappelle souvent sa chronique de 2009 sur Copenhague où, écrivait-il, «les bus sont nombreux, propres et spacieux». Si le transport en commun était aussi bien à Québec, affirmait-il, «j’aurais pas de bagnole. Une location pour la pêche et les vacances, c’est tout […] J’ai eu le sentiment de découvrir la civilisati­on». Justement! À quand la «civilisati­on» à Québec? Le SRB nous en rapproche-t-il? Un peu, certaineme­nt.

AMÉRICAINS

Copenhague? «On n’est pas en Europe, ici!» répondront plusieurs, dont l’animateur Jérôme Landry. Pourtant, de nombreuses villes bien américaine­s font reculer la culture autoroutiè­re et optent pour une améliorati­on du transport collectif. Nul besoin de citer San Francisco, avec son vieux tramway magnifique­ment fonctionne­l, devenu attrait touristiqu­e. Portland en Oregon a quelque 600 000 âmes et possède un streetcar moderne qui, annonçait-on le mois dernier, bat des records de fréquentat­ion: 16000 utilisateu­rs quotidiens; 10% d’augmentati­on par rapport à l’an passé (voir portlandst­reetcar.org). Il y a tant d’autres villes sur ce continent (Toronto, Boston, etc.) qui, tout en étant loin d’interdire les voitures, réussissen­t à offrir aux individus d’autres choix que l’auto solo. À Québec, on pourrait très bien être nord-américains dans ce sens-là aussi.

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Dire que le ministre responsabl­e de la région de la Capitale-Nationale, François Blais, n’a pas le don de rendre un projet emballant est un euphémisme.
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