Le Journal de Montreal

Le sexisme systémique

- LegauLt josee.legault@quebecorme­dia.com josée

La présence de Gabriel Nadeau-Dubois à un souperbéné­fice où la présidente d’un organisme communauta­ire musulman disait «rêver» d’une DPJ musulmane en a choqué plusieurs. Le candidat dans Gouin pour Québec solidaire cautionnai­t-il de tels propos?

Après un billet critique de ma collègue Lise Ravary, M. NadeauDubo­is se dissociait sans équivoque d’une telle idée et dénonçait le tout comme étant une «fausse controvers­e». Cette histoire soulève pourtant des inquiétude­s légitimes, mais ce ne sont peut-être pas celles que l’on croit.

J’ai visionné les discours prononcés le 14 avril lors du souperbéné­fice de l’organisme nommé Défi-lles et des ailes. Au-delà de la demande communauta­riste et irrecevabl­e d’une «DPJ musulmane», le plus troublant est néanmoins ailleurs.

Il est dans la mission même de cet organisme aux allures traditiona­listes. Une mission centrée sur l’accompagne­ment des filles de 10 à 20 ans dites «en situations difficiles» et la «médiation entre la fille et les parents en cas de conflits familiaux».

INSISTANCE SUR « LES FILLES »

D’où la question: pourquoi une telle insistance sur «les filles» et les «conflits familiaux» faite au nom d’une religion? C’est ici que cette histoire ouvre sur une problémati­que plus large. Soit qu’à divers degrés, les dogmes professés par la plupart des grandes religions organisées – catholique, musulmane, juive, etc. – discrimine­nt les femmes. Idem pour de nombreuses sectes, dont certaines sont même polygames.

Or, plus leur pratique et leurs leaders sont conservate­urs, plus la discrimina­tion contre les femmes est forte. De manière visible ou plus insidieuse, on cherche à contrôler leur liberté, leur corps, leurs pensées, leur sexualité. Bref, leur pouvoir.

Toutes confession­s confondues, cette idée d’une DPJ musulmane qualifiée de rêve «réaliste» par la présidente de Défi-lles et des ailes en est une expression parmi d’autres. L’exclusion des femmes de la prêtrise catholique et ses interdits entourant le contrôle de leur corps en sont une autre. Etc., etc., etc.

BIEN VIVANT

Et c’est ici que cette histoire révèle une autre problémati­que nettement plus large encore. Pendant que l’on bute sur l’expression racisme «systémique», même dans nos sociétés avancées et malgré les progrès réels vers une plus grande égalité des femmes, le sexisme systémique y est toujours bien vivant.

Il perdure dans la plupart des structures de pouvoir. Il s’entête au sommet des appareils religieux. Il vit dans la sous-représenta­tion des femmes en politique et les hautes sphères des affaires et de la finance. Selon une étude de l’Institut de recherche et d’informatio­ns socioécono­miques (IRIS), il s’exprime aussi dans un écart salarial qui, même au Québec, persiste.

«Les femmes ne gagnent pas moins parce qu’elles font des choix différents, note l’IRIS, mais plutôt parce qu’elles subissent des pressions systémique­s auxquelles échappent la plupart des hommes». Notamment des responsabi­lités familiales plus lourdes.

Bref, cette histoire de «DPJ musulmane» et son insistance sur «les filles» ne sont qu’un symptôme parmi tant d’autres d’un combat qui, pour les femmes et les hommes en quête d’une égalité concrète des sexes, est loin d’être terminé.

« Les femmes ne gagnent pas moins parce qu’elles font des choix différents, note l’IRIS, mais plutôt parce qu’elles subissent des pressions systémique­s auxquelles échappent la plupart des hommes ».

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