Le sexisme systémique
La présence de Gabriel Nadeau-Dubois à un souperbénéfice où la présidente d’un organisme communautaire musulman disait «rêver» d’une DPJ musulmane en a choqué plusieurs. Le candidat dans Gouin pour Québec solidaire cautionnait-il de tels propos?
Après un billet critique de ma collègue Lise Ravary, M. NadeauDubois se dissociait sans équivoque d’une telle idée et dénonçait le tout comme étant une «fausse controverse». Cette histoire soulève pourtant des inquiétudes légitimes, mais ce ne sont peut-être pas celles que l’on croit.
J’ai visionné les discours prononcés le 14 avril lors du souperbénéfice de l’organisme nommé Défi-lles et des ailes. Au-delà de la demande communautariste et irrecevable d’une «DPJ musulmane», le plus troublant est néanmoins ailleurs.
Il est dans la mission même de cet organisme aux allures traditionalistes. Une mission centrée sur l’accompagnement des filles de 10 à 20 ans dites «en situations difficiles» et la «médiation entre la fille et les parents en cas de conflits familiaux».
INSISTANCE SUR « LES FILLES »
D’où la question: pourquoi une telle insistance sur «les filles» et les «conflits familiaux» faite au nom d’une religion? C’est ici que cette histoire ouvre sur une problématique plus large. Soit qu’à divers degrés, les dogmes professés par la plupart des grandes religions organisées – catholique, musulmane, juive, etc. – discriminent les femmes. Idem pour de nombreuses sectes, dont certaines sont même polygames.
Or, plus leur pratique et leurs leaders sont conservateurs, plus la discrimination contre les femmes est forte. De manière visible ou plus insidieuse, on cherche à contrôler leur liberté, leur corps, leurs pensées, leur sexualité. Bref, leur pouvoir.
Toutes confessions confondues, cette idée d’une DPJ musulmane qualifiée de rêve «réaliste» par la présidente de Défi-lles et des ailes en est une expression parmi d’autres. L’exclusion des femmes de la prêtrise catholique et ses interdits entourant le contrôle de leur corps en sont une autre. Etc., etc., etc.
BIEN VIVANT
Et c’est ici que cette histoire révèle une autre problématique nettement plus large encore. Pendant que l’on bute sur l’expression racisme «systémique», même dans nos sociétés avancées et malgré les progrès réels vers une plus grande égalité des femmes, le sexisme systémique y est toujours bien vivant.
Il perdure dans la plupart des structures de pouvoir. Il s’entête au sommet des appareils religieux. Il vit dans la sous-représentation des femmes en politique et les hautes sphères des affaires et de la finance. Selon une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), il s’exprime aussi dans un écart salarial qui, même au Québec, persiste.
«Les femmes ne gagnent pas moins parce qu’elles font des choix différents, note l’IRIS, mais plutôt parce qu’elles subissent des pressions systémiques auxquelles échappent la plupart des hommes». Notamment des responsabilités familiales plus lourdes.
Bref, cette histoire de «DPJ musulmane» et son insistance sur «les filles» ne sont qu’un symptôme parmi tant d’autres d’un combat qui, pour les femmes et les hommes en quête d’une égalité concrète des sexes, est loin d’être terminé.
« Les femmes ne gagnent pas moins parce qu’elles font des choix différents, note l’IRIS, mais plutôt parce qu’elles subissent des pressions systémiques auxquelles échappent la plupart des hommes ».