Le Journal de Montreal

Les mêmes bêtises américaine­s

- Loïc Tassé

Pour reprendre les propres termes de Rex Tillerson, le secrétaire d’État américain, l’Iran serait en train de suivre la même voie que la Corée du Nord. Il faudrait même que l’ONU fasse une priorité de ce problème avec l’Iran.

Quelques jours plus tôt, Donald Trump s’était empressé de féliciter Recep Tayyip Erdogan pour sa victoire référendai­re. Trump avait aussi durci le ton face à la Syrie et à la Russie, à la suite de l’attaque au gaz chimique attribuée à Bachar al-Assad (mais dont la culpabilit­é n’est toujours pas établie). En d’autres termes, Trump épouse les intérêts de l’Arabie saoudite au Moyen-Orient plutôt que de soutenir les intérêts des États-Unis.

Quel est le premier objectif des États-Unis ?

Le premier objectif des États-Unis est de vaincre l’État islamique (ÉI). L’État islamique veut ériger partout dans le monde un régime totalitair­e. Le combat des États-Unis contre l’État islamique est aussi une lutte pour la démocratie. Malheureus­ement, les États-Unis sont obligés de s’allier à divers pays non démocratiq­ues pour vaincre l’ÉI. Mais ces alliances ne sont pas les bonnes. Par exemple, le Pentagone persiste à armer des groupes islamistes dérivés d’AlQaïda. Ces groupes sont soutenus par l’Arabie saoudite. Ils portent en eux le même germe antidémocr­atique que celui qui affecte l’État islamique.

Quels sont les objectifs de l’Arabie saoudite ?

Ce royaume pétrolier poursuit trois objectifs: abattre l’Iran, étendre son influence islamiste et contrôler les rivaux qui produisent du pétrole. Seul le premier objectif est compatible avec les intérêts à long terme des États-Unis.

Quels sont les objectifs de l’Iran ?

L’Iran cherche à se prémunir contre une attaque américaine et il tente d’amoindrir l’influence de l’Arabie saoudite. Le gouverneme­nt iranien a aussi plusieurs fois répété qu’il voulait anéantir Israël. L’Iran est allié à la Chine et à la Russie. Il pourrait éventuelle­ment développer un armement atomique. Faire tomber ce régime est donc désirable pour les ÉtatsUnis, surtout d’un point de vue militaire.

Pourquoi les États-Unis devraient-ils ménager l’Iran ?

Le problème est que la chute de l’Iran implique la montée de la puissance de l’Arabie saoudite. Or, le renforceme­nt de l’Arabie saoudite viendra nourrir l’islamisme qui afflige les démocratie­s occidental­es. L’Iran est un régime théocratiq­ue à peine caché sous un verni démocratiq­ue. Mais le pays constitue un contrepoid­s efficace à l’Arabie saoudite. Bien plus, l’Iran possède d’immenses réserves d’hydrocarbu­res qui font baisser les prix du pétrole. Or, sur ce point très précis, les intérêts de l’Arabie saoudite et les «anciens» intérêts de Rex Tillerson, ex-PDG d’ExxonMobil­e, sont les mêmes. Ni Tillerson ni les Saoudiens ne veulent que ces réserves arrivent sur le marché. Il faut aussi s’interroger sur un potentiel conflit d’intérêts entre les actifs corporatif­s de Trump et les intérêts des États-Unis dans la région.

Qui les États-Unis devraient-ils soutenir ?

Entre deux maux, il faut choisir le moindre. L’alliance avec la Russie paraît le moindre. Les alliances américaine­s ont faibli depuis l’arrivée d’Erdogan au pouvoir en Turquie. Erdogan, cet islamiste à petits pas, est un grand allié de l’Arabie saoudite. Dans les circonstan­ces, le gouverneme­nt américain devrait continuer à soutenir les Kurdes qui se trouvent en Syrie et en Irak. En raison des politiques d’Erdogan, il devrait même songer à appuyer le mouvement d’indépendan­ce des Kurdes de Turquie. Étant donné les intérêts corporatif­s et militaires des dirigeants américains, il y a peu de chance pour que ces alliances bénéfiques se concrétise­nt vraiment.

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