Le Journal de Montreal

Les Desmarais, la connexion canadienne de Total

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Famille richissime et influente, les Desmarais sont actionnair­es de Total depuis le début des années 2000, en plus d’avoir l’un des leurs au conseil d’administra­tion, rappelle le professeur et auteur Alain Deneault.

Des multinatio­nales, il en existe des milliers dans le monde. Pourquoi avoir choisi Total pour votre livre ?

J’étais étonné qu’aucun livre n’existe sur cette entreprise multinatio­nale de manière synthétiqu­e. Comment se fait-il qu’une firme aussi importante, aussi active sur la place publique, ne fasse l’objet d’aucune étude? Je me disais que le fait que la famille Desmarais, d’importants actionnair­es de Total, soit – comme Total en France d’ailleurs – très puissante dans le domaine universita­ire puisse dissuader certains chercheurs. Comment voulez-vous être critique face à Total ou Power Corporatio­n quand l’université où vous travaillez a un pavillon Desmarais [comme aux université­s de Montréal ou d’Ottawa], ou a un membre de la famille sur son c.a. [comme à HEC Montréal]? Je ne dis pas qu’ils prennent leur téléphone pour dire aux universita­ires quoi écrire, mais sur le front de l’autocensur­e [...] ça peut expliquer qu’il n’y ait pas tant de travail sur cette firme.

Votre livre aborde les façons de faire de Total dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie, ainsi qu’au Canada. Certains gestes se situent aux limites de la légalité, dites-vous.

Oui, tout à fait. Et dans ces cas-là, la famille Desmarais ne peut pas ne pas être au courant. Elle est au c.a. depuis 2001 avec Paul Desmarais fils, depuis la fusion de différente­s entreprise­s qui a mené à l’entreprise que l’on connaît aujourd’hui. Elle ne peut se dire ignorante ou se décharger de toute responsabi­lité, car elle administre cette société depuis plus de quinze ans. Elle a déjà été détentrice [en tandem avec GBL] de plus de 5 % des parts, ce qui lui donnait des avantages particulie­rs. Total n’a pas d’actionnair­e de contrôle.

Vous dites que les entreprise­s multinatio­nales sont devenues des «pouvoirs», souvent plus forts que les États. Que voulez-vous dire ?

Total est un pouvoir, Power Corp., l’empire des Desmarais, est un pouvoir. Ils font partie de cette autorité, une influence qui est capable de lobbyer, d’influencer, par des investisse­ments, par les relations publiques, les communicat­ions de masse, par le financemen­t politique dans différents pays, par le financemen­t des université­s, l’appropriat­ion des médias.

Avez-vous un exemple ?

Pensons à la Caisse de dépôt et placement, qui investit deux fois plus dans le pétrole sale de l’Alberta qu’au Québec, alors qu’on sait que [l’ex-PDG de la Caisse] Henri-Paul Rousseau est un proche des Desmarais. Total investit massivemen­t en Alberta, mais le pétrole albertain ne vaut rien sans un oléoduc. […] Alors la Caisse investit largement dans Enbridge et dans un grand nombre de structures directemen­t liées à l’activité pétrolière en Alberta, qui vont ultimement bénéficier à Total. C’est un exemple parmi d’autres.

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