Fédéralisme trompeur
Le pot n’adoucit pas les moeurs. Du moins pas celles qui caractérisent les relations des gouvernements Couillard-Trudeau.
Pour faire face à la légalisation, Québec exige un soutien financier additionnel du palier fédéral, qui choisit de s’engager dans cette voie. La ministre fédérale Jane Philpott réplique que Québec devrait se contenter des transferts et accuse les ministres québécois Barrette et Charlebois de tenir des propos «trompeurs». La ministre Charlebois rétorquait vendredi qu’Ottawa commet des «omissions». La mari sème la discorde.
Ottawa est vraiment culotté. Sur cette question, il a montré qu’il se fout des provinces, lesquelles seront aux prises avec une nouvelle réalité imposée par le gouvernement central.
On répondra que la promesse de Justin Trudeau est connue depuis des lunes. Que depuis son élection en octobre 2015, Québec n’avait qu’à s’y préparer. Facile à dire.
SOMMET DU « POT »
Québec et les provinces avaient peu d'indications sur la manière dont le gouvernement Trudeau comptait procéder.
Avant qu’il ne dépose son projet de loi, le gouvernement Trudeau aurait dû consulter davantage le palier de gouvernement qui aurait à encadrer et organiser la distribution de cette substance devenue légale.
Il aurait dû y avoir une sorte de sommet pancanadien du «pot» où toutes les appréhensions, toutes les questions litigieuses, les détails auraient pu être soulevés, discutés.
PROHIBITION COÛTEUSE ?
L’argument d’Ottawa, exposé par Jane Philpott dans sa lettre à La Presse jeudi, est simpliste: «L’approche actuelle coûte aussi très cher aux gouvernements provinciaux, ainsi qu’aux forces de l’ordre.»
Autrement dit, une fois le pot légalisé, suggère la ministre, il suffirait aux provinces de prendre les budgets policiers et les transférer à la santé publique ou à la prévention en matière de sécurité. Des sources fédérales ajoutent que la légalisation contribuera à désengorger les tribunaux. À les écouter, Québec pourra bientôt réaffecter à la santé publique une partie des sommes destinées à la crise des délais en justice!
MARRE DES CRITIQUES
Plusieurs l’ont noté: les dossiers litigieux Québec-Ottawa se multiplient: Bombardier, transferts en santé, délais en justice, budget fédéral. Le pot n’est que le dernier en lice. Au gouvernement Trudeau, on trouve bien agaçantes ces sorties de ministres du gouvernement Couillard ouvertement critiques. Le jour du dépôt du budget, par exemple, Pierre Moreau s’interrogeait publiquement sur le silence des élus québécois du PLC sur les projets d'infrastructures au Québec. Le ton de la lettre de Philpott marquerait un tournant: désormais, Ottawa répliquera aux critiques de Québec. Là-bas, on soupçonne le gouvernement Couillard de faire ses sorties pour se donner des airs nationalisants à l’approche des élections de 2018. C’est en effet un réflexe des gouvernements du PLQ. Souvenons-nous de Jean Charest, minoritaire à l’automne 2008, qui s’était amusé à réclamer le rapatriement des pouvoirs en culture. Il s’était ainsi donné à peu de frais des allures de défenseurs de la nation. Réélu majoritaire le 8 décembre suivant, il se contenta de faire envoyer une lettre par sa ministre de la Culture d’alors. Missive qui n'obtint même pas d'accusé de réception. Après sa réélection probable en octobre 2018, Philippe Couillard retournera aussi, sans doute, à ses habitudes de début de mandat, soit d’être une sorte d’«émissaire du Canada au Québec» (expression utilisée, dans Le Devoir d’hier, par un groupe d’auteurs qui reprochaient aux Fournier et Couillard d'avoir réitéré leur opposition au rapatriement constitutionnel de 1982). Au fond, le gouvernement Trudeau n’a rien à craindre. Il peut s’en rouler un et se détendre.