Le Journal de Montreal

Fédéralism­e trompeur

- antoine.robitaille@quebecorme­dia.com ANTOINE ROBITAILLE Chef du Bureau d’enquête au parlement de Québec @Ant_Robitaille

Le pot n’adoucit pas les moeurs. Du moins pas celles qui caractéris­ent les relations des gouverneme­nts Couillard-Trudeau.

Pour faire face à la légalisati­on, Québec exige un soutien financier additionne­l du palier fédéral, qui choisit de s’engager dans cette voie. La ministre fédérale Jane Philpott réplique que Québec devrait se contenter des transferts et accuse les ministres québécois Barrette et Charlebois de tenir des propos «trompeurs». La ministre Charlebois rétorquait vendredi qu’Ottawa commet des «omissions». La mari sème la discorde.

Ottawa est vraiment culotté. Sur cette question, il a montré qu’il se fout des provinces, lesquelles seront aux prises avec une nouvelle réalité imposée par le gouverneme­nt central.

On répondra que la promesse de Justin Trudeau est connue depuis des lunes. Que depuis son élection en octobre 2015, Québec n’avait qu’à s’y préparer. Facile à dire.

SOMMET DU « POT »

Québec et les provinces avaient peu d'indication­s sur la manière dont le gouverneme­nt Trudeau comptait procéder.

Avant qu’il ne dépose son projet de loi, le gouverneme­nt Trudeau aurait dû consulter davantage le palier de gouverneme­nt qui aurait à encadrer et organiser la distributi­on de cette substance devenue légale.

Il aurait dû y avoir une sorte de sommet pancanadie­n du «pot» où toutes les appréhensi­ons, toutes les questions litigieuse­s, les détails auraient pu être soulevés, discutés.

PROHIBITIO­N COÛTEUSE ?

L’argument d’Ottawa, exposé par Jane Philpott dans sa lettre à La Presse jeudi, est simpliste: «L’approche actuelle coûte aussi très cher aux gouverneme­nts provinciau­x, ainsi qu’aux forces de l’ordre.»

Autrement dit, une fois le pot légalisé, suggère la ministre, il suffirait aux provinces de prendre les budgets policiers et les transférer à la santé publique ou à la prévention en matière de sécurité. Des sources fédérales ajoutent que la légalisati­on contribuer­a à désengorge­r les tribunaux. À les écouter, Québec pourra bientôt réaffecter à la santé publique une partie des sommes destinées à la crise des délais en justice!

MARRE DES CRITIQUES

Plusieurs l’ont noté: les dossiers litigieux Québec-Ottawa se multiplien­t: Bombardier, transferts en santé, délais en justice, budget fédéral. Le pot n’est que le dernier en lice. Au gouverneme­nt Trudeau, on trouve bien agaçantes ces sorties de ministres du gouverneme­nt Couillard ouvertemen­t critiques. Le jour du dépôt du budget, par exemple, Pierre Moreau s’interrogea­it publiqueme­nt sur le silence des élus québécois du PLC sur les projets d'infrastruc­tures au Québec. Le ton de la lettre de Philpott marquerait un tournant: désormais, Ottawa répliquera aux critiques de Québec. Là-bas, on soupçonne le gouverneme­nt Couillard de faire ses sorties pour se donner des airs nationalis­ants à l’approche des élections de 2018. C’est en effet un réflexe des gouverneme­nts du PLQ. Souvenons-nous de Jean Charest, minoritair­e à l’automne 2008, qui s’était amusé à réclamer le rapatrieme­nt des pouvoirs en culture. Il s’était ainsi donné à peu de frais des allures de défenseurs de la nation. Réélu majoritair­e le 8 décembre suivant, il se contenta de faire envoyer une lettre par sa ministre de la Culture d’alors. Missive qui n'obtint même pas d'accusé de réception. Après sa réélection probable en octobre 2018, Philippe Couillard retournera aussi, sans doute, à ses habitudes de début de mandat, soit d’être une sorte d’«émissaire du Canada au Québec» (expression utilisée, dans Le Devoir d’hier, par un groupe d’auteurs qui reprochaie­nt aux Fournier et Couillard d'avoir réitéré leur opposition au rapatrieme­nt constituti­onnel de 1982). Au fond, le gouverneme­nt Trudeau n’a rien à craindre. Il peut s’en rouler un et se détendre.

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L’argument d’Ottawa, exposé par Jane Philpott dans sa lettre de jeudi, est simpliste.

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