Le Journal de Montreal

Le « kidnapping » de logements, un nouveau fléau en Espagne

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BARCELONE | Au rez-dechaussée neuf d’un immeuble coquet du quartier de la Barcelonne­tte, à Barcelone, une fenêtre est grossièrem­ent murée à l’aide de briques. Le but? Dissuader les mafias qui «séquestren­t» des logements pour exiger des rançons, s’alarment les profession­nels du secteur.

Les mafias «cherchent des appartemen­ts vides sur internet ou dans les registres publics pour y entrer de force. Elles branchent illégaleme­nt les services publics – eau, gaz, etc. – puis les remettent à des occupants», explique Enrique Vendrell, président du collège des syndics de Barcelone.

CHANTAGE ET MENACES

Pour ce service, il font payer selon lui moins de 1000 euros (1480$). Les personnes qui s’installent soumettent ensuite les propriétai­res à un chantage s’ils veulent récupérer leur bien, assure Enrique Vendrell.

La demande de portes de plus en plus blindées «a explosé depuis trois ans. Nous en installons quelque 1500 chaque mois en Espagne», explique aussi Juan Carlos Parra, commercial de la société catalane STM Seguridad Integrada.

Selon lui, ses clients entendent lutter contre ceux qui s’emparent d’appartemen­ts vides «pour ensuite changer la serrure et vendre les clefs». Un chantage qui, en général, s’accompagne de menaces.

«Si tu sonnes encore une fois, tu le regrettera­s», ont déclaré des «okupas» (les squatteurs, NDLR) à une vieille dame qui tentait de récupérer son bien, raconte son avocat José Maria Aguilá.

Car les mafias d’«okupas» cherchent, elles, à faire pression sur les propriétai­res, leur réclamant des rançons de 3000 à 6000 euros (4460 à 8930$) pour obtenir un départ des lieux. Dans certains cas, des propriétai­res préfèrent payer, pour gagner du temps.

ANCIENS BOXEURS

Par peur de représaill­es, de nombreuses victimes ont finalement refusé de partager leur histoire.

Cette crainte conduit aussi certains propriétai­res à renoncer à afficher des panneaux de vente ou de location, pour ne pas attirer l’attention des mafias.

Josep Maria Montaner, conseiller municipal chargé du logement à Barcelone, assure que la mairie est consciente du problème et tente avec la police catalane de résoudre les cas les plus graves, sans livrer cependant de chiffres.

Le phénomène est dénoncé alors même qu’une entreprise spécialisé­e, «Desokupa», a été créée en 2016 pour amener des squatteurs supposés malveillan­ts à vider les lieux.

Cette société controvers­ée assure ne faire que de la médiation, mais certaines associatio­ns dénoncent ses méthodes musclées, alors qu’elle emploie anciens boxeurs ou agents de sécurité privée.

Un reportage télévisé a montré ces hommes aux carrures d’armoires à glace montant la garde aux abords d’immeubles occupés.

ÉCLATEMENT IMMOBILIER

Le phénomène est en partie lié à l’éclatement en 2008 d’une bulle immobilièr­e de constructi­on débridée, alors que l’Espagne s’enfonçait dans la crise.

Selon l’Institut national de la statistiqu­e (INE), il y a 3,4 millions de propriétés vides dans le pays, soit 13,7% du parc immobilier. – Par Mario Magaro, Agence France-Presse

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Ces propriétai­res du quartier de la Barcelonne­tte, à Barcelone, ont barricadé les portes et fenêtres de leur immeuble pour se protéger contre le racket de la mafia.

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