LE CIDRE DANS TOUS SES ÉTATS!
Tranquillement, le cidre du Québec, surtout le cidre de glace, fait sa place dans les habitudes des Québécois. L’expertise des cidriculteurs d’ici est reconnue mondialement, tout comme leur avant-gardisme. Comment ce produit est-il devenu si emblématique
PRODUIT DU TERROIR
Le cidre de glace a été créé en 1989 et il découle de trois éléments propres au Québec : la pomme, le froid et le savoirfaire que les artisans ont acquis depuis son invention. Selon Anaïs Détolle, candidate au doctorat en sociologie et anthropologie à l’université Concordia et coéditrice du livre La transformation du cidre au Québec – Perspective
écosystémique, qui sera en librairie dès le 3 mai, pour qu’un produit soit considéré du terroir, il doit reposer sur trois piliers : l’historicité, les conditions du sol et du climat ainsi que le savoir-faire des artisans. « La définition de terroir n’est pas fixe, précise Mme Détolle. Le cidre de glace a été inventé il ya à peine 30 ans. Ce n’est pas un produit très ancien, son historicité est récente. Mais, même s’il n’y a pas de mythologie autour du produit comme il y en a autour du champagne par exemple, il est un produit bien d’ici. »
Concernant le deuxième critère, Mme Détolle soutient que « les recherches qui se font sur le sol commencent à faire le lien entre la sorte de pommes et la région où elle pousse, ce qui donnerait un goût particulier au cidre. »
Quant au savoir-faire, « il n’a pas existé auparavant. Tout savoir-faire se construit au fur et à mesure », justifie-t-elle, concluant que le cidre de glace est donc un produit du terroir « en construction ».
La spécificité du cidre de glace, mais également des autres cidres québécois, tient surtout à son lien étroit avec notre climat. « Le cidre local est un produit particulier. (…) les artisans disent que le climat qu’on a produit des pommes particulièrement acides. Donc, l’équilibre acidité-sucré qui est particulier aux cidres du Québec, surtout le cidre de glace, en fait sa typicité », mentionne Anaïs Détolle.
LES RETOMBÉES ÉCONOMIQUES
« Les cidriculteurs sont passionnés et amoureux de leur art! », clame d’entrée de jeu Martin Cloutier, professeur titulaire au Département de management et technologie à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Il est également codirecteur du livre La transformation du
cidre au Québec – Perspective écosystémique. Il connaît bien cette niche, ayant étudié le marché des cidres auprès des producteurs.
« Il y a deux types de permis : production artisanale et fabricant de cidre, explique M. Cloutier. Selon les dernières données de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec datant de janvier 2017, il y aurait 81 permis de production artisanale octroyés, 8 permis de fabricant (qui achète les pommes et qui ne possède pas de verger, qui n’est pas un producteur agricole) ainsi que 22 titulaires de permis concomitants (de production artisanale et de fabricant). »
Selon ses études sur le sujet, environ 40 % des lieux de production se situent en Montérégie, contre 20,5 % dans une région regroupant Québec, ChaudièreAppalaches et Charlevoix. Les Laurentides comptent 13,6 % des producteurs tandis que les Cantons-de-l’Est suivent tout près, avec 12,5 %. Martin Cloutier estime que 425 emplois à temps plein équivalents, répartis dans 89 lieux de production, sont reliés entièrement à la production de cidre.
« Depuis cinq ans, les cidres prêts-à-boire ont connu une croissance importante des volumes, représentant environ 58,5 % de la croissance des ventes de cidre, entre 2011 et 2016, en examinant les données de la SAQ », indique M. Cloutier. Les données ne sont pas simples à analyser, car la SAQ vend du cidre, mais les producteurs en vendent également, directement de la boutique de leur cidrerie et à travers d’autres canaux de distribution autorisés. « Il y a toutefois une diminution de 7,5 % des ventes du cidre de glace à la SAQ, pour la même période, note-t-il. À la SAQ, on note que la part de la valeur des ventes en dollars se situait à 43 % pour le cidre de glace et à environ 25 % pour les prêts-à-boire en 2016 ».
On estime que le volume des ventes des cidres produits au Québec en 2015 se situait à environ 3,2 millions de litres, cela représente une croissance annuelle composée d’environ 11,5 % par année depuis 2011. « Si l’on se fie aux taux de croissance observés, ici comme ailleurs au Canada depuis les cinq dernières années, on pourrait penser que si les tendances se maintiennent ce volume des ventes pourrait continuer à augmenter au cours des 3 ou 4 prochaines années », dit-il.
« Depuis cinq ans, les cidres prêts-à-boire ont connu une croissance importante des volumes » — M. Cloutier.