Le Journal de Montreal

13 raisons de se poser des questions

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher@quebecorme­dia.com

J’ai beaucoup hésité avant de vous parler de la série 13 Reasons Why. Autant cette série de Netflix est populaire auprès des jeunes, autant elle inquiète les adultes (pédagogues, intervenan­ts en prévention, etc.).

J’ai attendu avant de mettre mon grain de sel dans la discussion parce que je n’avais pas de réponse à la question: si mon fils de 9 ans était en âge de voir la série (réservée aux plus de 16 ans) est-ce que je l’encourager­ais à la regarder?

REGARDER OU PAS ?

Plusieurs spécialist­es reprochent à la série de ne pas être suffisamme­nt éducative, de ne pas parler des ressources disponible­s pour les jeunes en détresse.

Mais 13 Reasons Why est une oeuvre de fiction! Ce n’est pas un documentai­re préparé par des fonctionna­ires du ministère de la Santé publique. Ce n’est pas une annonce d’intérêt public. Reprocher à 13 Reasons Why de ne pas donner les bonnes informatio­ns sur le suicide, c’est comme reprocher à Fast

and Furious de ne pas être une annonce de la SAAQ contre la vitesse au volant.

L’histoire de l’art est remplie d’oeuvres incorrecte­s, indécentes, dérangeant­es, qui ne correspond­ent pas aux bonnes moeurs. S’il fallait que toutes les oeuvres de création soient moralement irréprocha­bles, il n’y aurait jamais eu de livres, de films ou de tableaux parlant d’inceste, de pédophilie, de cannibalis­me, de viol, de drogues, de délinquanc­e.

Les spécialist­es reprochent à 13 Reasons Why de réduire le suicide du personnage principal, Hannah Baker, au fait qu’elle tient 13 personnes responsabl­es de l’avoir laissée tomber. Ils déplorent que la série n’insiste pas suffisamme­nt sur le fait que la dépression est une des raisons principale­s du suicide.

Si on suit cette même logique (on ne se suicide pas à cause de quelqu’un d’autre, mais parce qu’on est déprimé) cela signifie que si un jeune met fin à ses jours quelque temps après avoir vu

13 Reasons Why, il ne faudra pas blâmer la série de Netflix, mais plutôt la fragilité mentale de la victime.

Vous voyez à quel point ce dossier est complexe?

LE LIBRE CHOIX

Il y a un parallèle à faire avec le film 1:54 de Yan England, qui traitait lui aussi d’intimidati­on et de suicide. Je me souviens encore du choc quand j’ai vu la fin du film, que je n’avais pas vue venir.

J’ai trouvé Yan England courageux d’aborder de front la question de l’intimidati­on et du suicide. Pourtant, il a fallu qu’il se batte pour que son film soit reconnu d’intérêt public pour les jeunes Québécois.

Certains profs frileux avaient peur que le film influence les jeunes.

Yan England a bien fait de se tenir debout. Récemment, son film a été montré à l’ONU devant un parterre de diplomates. Et qui a présenté le film? Justin Trudeau! En fin de compte, je pense que si mon fils avait l’âge de voir

13 Reasons Why, je l’encourager­ais à le regarder. Mais je ferais comme pour le reste mon boulot de parent: je lui dirais que ma porte est toujours ouverte pour m’en parler.

Comme pour tous les autres sujets dérangeant­s ou dégueulass­es auquel il est confronté quand il lit un livre, voit un film et regarde la télé.

Ce n’est pas parce qu’un sujet est difficile qu’il faut faire comme s’il n’existait pas.

L’histoire de l’art est remplie d’oeuvres incorrecte­s

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