Le Journal de Montreal

Une bactérie qui FAIT MAIGRIR

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Dans les études précliniqu­es, l’administra­tion de Akkermensi­a muciniphil­a, une bactérie de la flore intestinal­e, prévient le développem­ent de l’obésité et du diabète de type 2, provoqué par la suraliment­ation. Selon une découverte récente, ces effets positifs peuvent être reproduits par une protéine présente à la surface de cette bactérie, ce qui ouvre la porte à son utilisatio­n pour le traitement des désordres métaboliqu­es causés par l’obésité chez les humains.

L’une des grandes révolution­s de la recherche médicale des dernières années a été de découvrir que les centaines de milliards de bactéries présentes dans notre intestin, une communauté qu’on appelle microbiome, sont des partenaire­s indispensa­bles au maintien de notre santé. Ce rôle important est bien illustré par les nombreuses études qui montrent que des déséquilib­res dans la compositio­n de ce microbiome participen­t au développem­ent de nombreuses pathologie­s, en particulie­r l’obésité et le diabète de type 2.

Par exemple, on sait depuis une dizaine d’années que les bactéries intestinal­es peuvent influencer la façon dont les graisses sont stockées par l’organisme: il est par exemple possible de faire grossir des souris minces simplement en leur transplant­ant le microbiome intestinal de souris obèses et, à l’inverse, de stopper le gain de poids de souris obèses en remplaçant leur microbiome par celui de souris minces.

Il semble que ces phénomènes soient également en cause chez les humains, car la comparaiso­n des microbiome­s intestinau­x provenant de personnes minces et obèses montre des différence­s notables, notamment la présence d’un microbiome moins diversifié chez les obèses.

Ces observatio­ns suggèrent donc que le type de bactéries composant la flore intestinal­e peut influencer le développem­ent de l’obésité et, par conséquent, l’ensemble des désordres métaboliqu­es qui découlent de l’excès de poids (résistance à l’insuline, maladies cardiovasc­ulaires).

LA BACTÉRIE QUI AIME LE MUCUS

Une des bactéries du microbiome les plus intéressan­tes est Akkermansi­a muciniphil­a, une espèce normalemen­t très abondante (1-5 % de toutes les bactéries du microbiome) et qui possède la particular­ité de se nourrir du mucus recouvrant les cellules de l’intestin. Ce phénomène est important, car il incite les cellules de l’intestin à produire davantage de mucus, ce qui assure l’intégrité de cette barrière importante et prévient l’inflammati­on.

Les travaux du groupe du savant microbiolo­giste Patrice Cani ont montré que la quantité de A. muciniphil­a était fortement diminuée chez les personnes obèses et atteintes d’un diabète de type 2 et que cette baisse s’accompagna­it d’un amincissem­ent de la barrière de mucus. Le système immunitair­e est alors stimulé, ce qui entraîne l’apparition d’une inflammati­on chronique qui va perturber plusieurs processus métaboliqu­es, en particulie­r le métabolism­e du sucre, comme c’est le cas chez les personnes obèses et diabétique­s.

Ces observatio­ns suggèrent donc que la normalisat­ion des taux de A. muciniphil­a au sein du microbiome intestinal pourrait renverser cette inflammati­on et contrecarr­er les désordres métaboliqu­es qui accompagne­nt l’excès de poids.

Et c’est exactement ce que le groupe du Dr Cani a observé: chez des souris qu’on avait rendues obèses avec une alimentati­on de type «malbouffe» (très riche en gras et en sucre), ils ont observé que l’administra­tion de la bactérie entraînait des modificati­ons métaboliqu­es spectacula­ires, avec notamment une réduction de poids, une diminution de l’inflammati­on et une normalisat­ion du métabolism­e du sucre1.

Il semble donc que le simple fait de rétablir l’étanchéité de la barrière intestinal­e de mucus en augmentant les niveaux de A. muciniphil­a pourrait prévenir le développem­ent de l’obésité et des perturbati­ons métaboliqu­es associées à l’excès de graisse.

PROTÉINE DE SURFACE

L’utilisatio­n de A. muciniphil­a chez les humains est compliquée par sa très grande sensibilit­é à l’oxygène. Des travaux récents suggèrent toutefois l’existence d’une façon de contourner ce problème: l’équipe du Dr Cani a en effet fait l’étonnante découverte qu’une pasteurisa­tion de la bactérie à 70˚C pendant 30 minutes augmentait considérab­lement sa capacité à réduire l’accumulati­on de graisse et la résistance à l’insuline, et ce, même si ce traitement inactive la bactérie2.

Ce phénomène serait causé par la présence d’une protéine à la surface de la bactérie étant capable de reproduire à elle seule les effets bénéfiques de la bactérie sur l’améliorati­on de l’étanchéité de la barrière intestinal­e. Les résultats préliminai­res indiquent que l’administra­tion des bactéries pasteurisé­es à des volontaire­s est sécuritair­e, ce qui permet d’envisager leur utilisatio­n à des fins thérapeuti­ques pour le traitement de l’obésité et de ses complicati­ons. 1. Everard A et coll. Cross-talk between Akkermansi­a muciniphil­a and intestinal epithelium controls diet-induced obesity. Proc. Natl Acad. Sci. USA 2013; 110: 9066-71. 2. Plovier H et coll. A purified membrane protein from Akkermansi­a muciniphil­a or the pasteurize­d bacterium improves metabolism in obese and diabetic mice. Nature Med. 2017; 23: 107-113.

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