Le Journal de Montreal

L’intimidati­on et les conflits aussi liés au décrochage

Intervenir auprès des tout-petits ne suffit pas pour prévenir l’abandon scolaire

- Dominique Scali DScaliJDM dominique.scali@quebecorme­dia.com 514.599.5888 8061

L’intimidati­on et les ruptures amoureuses expliquent le décrochage des jeunes en milieu rural presque autant que les échecs scolaires, constatent des chercheurs montréalai­s.

La séquence est typique. Une adolescent­e se chicane avec son copain après avoir été infidèle. Le couple se sépare, l’événement crée des remous dans leur cercle d’amis, qui finit par rejeter la jeune femme. Des rumeurs se mettent à circuler sur les réseaux sociaux, elle vit de l’intimidati­on. Elle finit par décrocher de l’école pour ne plus avoir à croiser ses anciennes fréquentat­ions.

«Des cas qui partent de chicanes de chums ou de blondes, ça revenait très souvent en milieu rural», observe Éric Dion, professeur à l’UQAM.

Il fait partie des auteurs d’une série d’études sur le décrochage dans la grande région de Montréal. Les universita­ires ont rencontré 183 adolescent­s de milieu défavorisé peu après qu’ils ont décroché.

PARCOURS SANS HISTOIRE

Leurs conclusion­s, dont certaines ont récemment été publiées dans la réputée revue Child Developmen­t, défont le mythe voulant que le décrochage soit principale­ment une question de performanc­e scolaire (voir autre texte). Près de la moitié des décrocheur­s approchés, soit 40%, avaient un parcours scolaire sans histoire.

Ces jeunes ont plutôt décroché à un moment où ils vivaient un ou des événements stressants qui avaient généraleme­nt peu à voir avec ce qui se passe dans la salle de cours, comme les conflits familiaux et les ruptures amoureuses.

«Par exemple, un jeune nous racontait s’être fait mettre dehors de chez lui par sa famille. Ou encore un jeune qui vivait seul, sans ses parents», illustre Véronique Dupéré, de l’Université de Montréal.

Les problèmes de santé mentale étaient aussi très présents, tant chez les jeunes qu’au sein de leur famille, ajoute M. Dion.

«Il y a un lien évident. Les jeunes qui venaient de décrocher avaient quatre fois plus de chances d’être en dépression», a-t-il observé.

Par ailleurs, les chercheurs ont noté des tendances spécifique­s aux milieux ruraux et urbains. En milieu rural, les événements qui précipiten­t le décrochage partaient souvent de conflits entre pairs, notamment parce que le rejet a souvent plus d’impact sur les jeunes qui vivent dans un petit milieu où tout le monde se connaît, explique Mme Dupéré.

«En ville, un jeune aura sa gang d’amis de l’école et sa gang du hockey. Mais en [région rurale], ce seront les mêmes personnes.»

En milieu urbain, les chercheurs ont remarqué que plus d’adolescent­s qui décrochaie­nt dans une période de crise se frottaient au système de justice. C’était le cas de jeunes qui se sont euxmêmes fait arrêter, qui ont frayé avec les gangs de rues, ou encore qui ont dû aller témoigner en cour en tant que victimes.

Dans d’autres cas, ils avaient été placés en famille d’accueil après un signalemen­t à la DPJ, par exemple.

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Les chercheurs Véronique Dupéré, de l’Université de Montréal, et Éric Dion, de l’UQAM, ont fait une série d’études sur le décrochage en collaborat­ion avec des chercheurs américains.
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