Le Journal de Montreal

Du déjà-vu pour les Américains

- CLAUDE VILLENEUVE

PARIS | «Je pensais m’être sauvé de Trump et voilà que c’est reparti pour un tour!»

Isaac le barbier rigole en parlant de Marine Le Pen pendant qu’il me taille la moustache. Il est venu vivre en France avec son épouse originaire de Picardie qui voulait se rapprocher de sa famille, m’explique-t-il en anglais. La vie n’est pas plus chère que dans son San Diego natal et il y a des cheveux à couper dans l’Hexagone aussi.

«C’est clair que j’ai un sentiment de “déjà-vu”», me dit-il, utilisant l’expression française. «En même temps, je ne pense pas qu’elle va gagner. Elle l’a vraiment échappé au débat.»

UN REGARD INTÉRESSÉ

J’ai rencontré plusieurs Américains dans un café situé dans un ancien couvent, à l’occasion d’une soirée s’adressant tant à des expatriés qu’à des visiteurs. Ils posent tous un regard intéressé sur ce qui se passe ici. Six mois après l’élection de Donald Trump, plusieurs ont l’impression d’assister au même phénomène.

Afro-Américain du New Jersey, Jeff s’emporte en parlant de politique. «Trump et Le Pen, ils veulent ramener l’Occident cent ans en arrière! Peux-tu imaginer? Pour la première fois depuis le Moyen Âge, la France et l’Allemagne n’ont pas été en guerre pendant 70ans. C’est grâce à l’Union européenne et Marine Le Pen veut défaire ça», déplore-t-il.

INQUIÉTANT

Habitant Washington D.C., Andy Yarrow écrit dans le New York Daily News. Pour lui, il y a quand même des différence­s entre ce qui se passe aux États-Unis et en France. «Le Front national descend de toute une tradition d’antisémiti­sme et d’islamophob­ie, alors que Trump a essentiell­ement fait un coup d’État au sein du Parti républicai­n», explique-t-il.

Il admet toutefois que les temps sont troubles. «On était habitués à voir en Europe des partis plus radicaux. Maintenant, c’est dans notre pays qu’on voit monter l’extrémisme. C’est très inquiétant.»

Lea et son mari Tim habitent Los Angeles. Ils sont en lune de miel à Paris. Ils n’hésitent pas à se positionne­r. «On est dans l’équipe Macron!» s’exclame Tim.

Lea renchérit. «J’ai peur de la montée de la droite extrémiste en Europe. J’espère que notre élection a donné du carburant à la gauche en montrant aux gens ce qui pouvait se passer.»

PARIS | (AFP) Le dernier jour avant le vote crucial de l’élection présidenti­elle française d’aujourd’hui a été marqué par un ultime rebondisse­ment, le piratage et la mise en ligne de milliers de documents de la campagne du centriste Emmanuel Macron.

Ces publicatio­ns sur internet ont aussitôt été qualifiées de «déstabilis­ation» par l’ancien ministre de l’Économie alors que le président sortant François Hollande a assuré hier que ce piratage ne resterait pas «sans réponse» et que des «procédures allaient entrer en vigueur».

L’autorité électorale française a mis hier en garde contre la rediffusio­n de ces documents, une consigne qui a été suivie par les grands médias, à la veille du second tour de la présidenti­elle qui oppose M. Macron à la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen.

UNE ACTION « COORDONNÉE »

L’équipe du candidat centriste, qui avait pourtant pris nombre de précaution­s, comme des messagerie­s cryptées ou des serveurs protégés, a dénoncé une «action de piratage massive et coordonnée» de courriels et pièces comptables, auxquels seraient joints «nombre de faux documents, afin de semer le doute et la désinforma­tion [...] comme cela s’est déjà vu aux États-Unis pendant la dernière campagne présidenti­elle».

Après enquête sur le piratage qui avait visé l’équipe de Hillary Clinton, la candidate démocrate à la présidenti­elle américaine de 2016, les agences de renseignem­ent américaine­s avaient accusé la Russie d’avoir interféré dans la présidenti­elle des États-Unis afin de favoriser le candidat républicai­n Donald Trump, élu le 8 novembre.

La Commission nationale de contrôle de la campagne présidenti­elle, qui s’est réunie hier matin, a recommandé aux médias de «faire preuve d’esprit de responsabi­lité et de ne pas relayer ces contenus, afin de ne pas altérer la sincérité du scrutin». «La diffusion ou la rediffusio­n de telles données, obtenues frauduleus­ement, et auxquelles ont pu, selon toute vraisembla­nce, être mêlées de fausses informatio­ns, est susceptibl­e de recevoir une qualificat­ion pénale», a-telle souligné dans un communiqué.

Dès leur diffusion, via Twitter, ces documents piratés ont été relayés par l’extrême droite. Nicolas Vanderbies­t, un chercheur belge spécialist­e des réseaux sociaux, a étudié la façon dont ils se sont propagés sur la toile vendredi soir, et a incriminé un militant américain proche de l’extrême droite, relayé ensuite par des comptes francophon­es pro-FN.

Il y a «des dizaines de milliers d’emails, de photos et de pièces jointes, datant du 24 avril au plus tard» (le lendemain du premier tour de la présidenti­elle), selon WikiLeaks. Le site fondé par Julian Assange, qui a relayé sur son compte Twitter le lien hypertexte menant à ces documents, a assuré ne pas être à l’origine de cette opération de piratage.

50 000 HOMMES MOBILISÉS

Aujourd’hui, les deux candidats voteront dans le Nord de la France, M. Macron dans la station balnéaire du Touquet et Mme Le Pen dans son fief ouvrier d’Hénin-Beaumont.

Les mesures de sécurité seront renforcées autour des bureaux de vote, et plus de 50000 policiers, gendarmes et militaires seront mobilisés.

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Plusieurs Américains tracent un parallèle entre leur propre président et la candidate du Front national, Marine Le Pen. On la voit en plein discours partisan au Parc des Exposition­s de Villepinte, près de Paris, le 1er mai.
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Ce piratage pourrait-il avoir une incidence sur le vote des électeurs français aujourd’hui? Dans les derniers sondages publiés vendredi, avant la clôture de la campagne officielle, Emmanuel Macron était toujours largement en tête, avec 61,5 à 63 % des...

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