Du déjà-vu pour les Américains
PARIS | «Je pensais m’être sauvé de Trump et voilà que c’est reparti pour un tour!»
Isaac le barbier rigole en parlant de Marine Le Pen pendant qu’il me taille la moustache. Il est venu vivre en France avec son épouse originaire de Picardie qui voulait se rapprocher de sa famille, m’explique-t-il en anglais. La vie n’est pas plus chère que dans son San Diego natal et il y a des cheveux à couper dans l’Hexagone aussi.
«C’est clair que j’ai un sentiment de “déjà-vu”», me dit-il, utilisant l’expression française. «En même temps, je ne pense pas qu’elle va gagner. Elle l’a vraiment échappé au débat.»
UN REGARD INTÉRESSÉ
J’ai rencontré plusieurs Américains dans un café situé dans un ancien couvent, à l’occasion d’une soirée s’adressant tant à des expatriés qu’à des visiteurs. Ils posent tous un regard intéressé sur ce qui se passe ici. Six mois après l’élection de Donald Trump, plusieurs ont l’impression d’assister au même phénomène.
Afro-Américain du New Jersey, Jeff s’emporte en parlant de politique. «Trump et Le Pen, ils veulent ramener l’Occident cent ans en arrière! Peux-tu imaginer? Pour la première fois depuis le Moyen Âge, la France et l’Allemagne n’ont pas été en guerre pendant 70ans. C’est grâce à l’Union européenne et Marine Le Pen veut défaire ça», déplore-t-il.
INQUIÉTANT
Habitant Washington D.C., Andy Yarrow écrit dans le New York Daily News. Pour lui, il y a quand même des différences entre ce qui se passe aux États-Unis et en France. «Le Front national descend de toute une tradition d’antisémitisme et d’islamophobie, alors que Trump a essentiellement fait un coup d’État au sein du Parti républicain», explique-t-il.
Il admet toutefois que les temps sont troubles. «On était habitués à voir en Europe des partis plus radicaux. Maintenant, c’est dans notre pays qu’on voit monter l’extrémisme. C’est très inquiétant.»
Lea et son mari Tim habitent Los Angeles. Ils sont en lune de miel à Paris. Ils n’hésitent pas à se positionner. «On est dans l’équipe Macron!» s’exclame Tim.
Lea renchérit. «J’ai peur de la montée de la droite extrémiste en Europe. J’espère que notre élection a donné du carburant à la gauche en montrant aux gens ce qui pouvait se passer.»
PARIS | (AFP) Le dernier jour avant le vote crucial de l’élection présidentielle française d’aujourd’hui a été marqué par un ultime rebondissement, le piratage et la mise en ligne de milliers de documents de la campagne du centriste Emmanuel Macron.
Ces publications sur internet ont aussitôt été qualifiées de «déstabilisation» par l’ancien ministre de l’Économie alors que le président sortant François Hollande a assuré hier que ce piratage ne resterait pas «sans réponse» et que des «procédures allaient entrer en vigueur».
L’autorité électorale française a mis hier en garde contre la rediffusion de ces documents, une consigne qui a été suivie par les grands médias, à la veille du second tour de la présidentielle qui oppose M. Macron à la dirigeante d’extrême droite Marine Le Pen.
UNE ACTION « COORDONNÉE »
L’équipe du candidat centriste, qui avait pourtant pris nombre de précautions, comme des messageries cryptées ou des serveurs protégés, a dénoncé une «action de piratage massive et coordonnée» de courriels et pièces comptables, auxquels seraient joints «nombre de faux documents, afin de semer le doute et la désinformation [...] comme cela s’est déjà vu aux États-Unis pendant la dernière campagne présidentielle».
Après enquête sur le piratage qui avait visé l’équipe de Hillary Clinton, la candidate démocrate à la présidentielle américaine de 2016, les agences de renseignement américaines avaient accusé la Russie d’avoir interféré dans la présidentielle des États-Unis afin de favoriser le candidat républicain Donald Trump, élu le 8 novembre.
La Commission nationale de contrôle de la campagne présidentielle, qui s’est réunie hier matin, a recommandé aux médias de «faire preuve d’esprit de responsabilité et de ne pas relayer ces contenus, afin de ne pas altérer la sincérité du scrutin». «La diffusion ou la rediffusion de telles données, obtenues frauduleusement, et auxquelles ont pu, selon toute vraisemblance, être mêlées de fausses informations, est susceptible de recevoir une qualification pénale», a-telle souligné dans un communiqué.
Dès leur diffusion, via Twitter, ces documents piratés ont été relayés par l’extrême droite. Nicolas Vanderbiest, un chercheur belge spécialiste des réseaux sociaux, a étudié la façon dont ils se sont propagés sur la toile vendredi soir, et a incriminé un militant américain proche de l’extrême droite, relayé ensuite par des comptes francophones pro-FN.
Il y a «des dizaines de milliers d’emails, de photos et de pièces jointes, datant du 24 avril au plus tard» (le lendemain du premier tour de la présidentielle), selon WikiLeaks. Le site fondé par Julian Assange, qui a relayé sur son compte Twitter le lien hypertexte menant à ces documents, a assuré ne pas être à l’origine de cette opération de piratage.
50 000 HOMMES MOBILISÉS
Aujourd’hui, les deux candidats voteront dans le Nord de la France, M. Macron dans la station balnéaire du Touquet et Mme Le Pen dans son fief ouvrier d’Hénin-Beaumont.
Les mesures de sécurité seront renforcées autour des bureaux de vote, et plus de 50000 policiers, gendarmes et militaires seront mobilisés.