Le Journal de Montreal

Une élection sous la menace de l’apocalypse

- RICHARD LATENDRESS­E richard.latendress­e@quebecorme­dia.com

WASHINGTON | C’est tout de même assez rare que les campagnes électorale­s, ailleurs dans le monde, génèrent autant d’intérêt. Admettons qu’on ne s’ennuie pas ces jours-ci: elles s’enchaînent depuis quelques mois, chacune aussi fascinante que la précédente.

Aux États-Unis d’abord avec Trump qui, à la surprise de tous, a passé Clinton au fil d’arrivée; Macron en France aujourd’hui, devenu le dernier rempart devant l’extrême droite de Le Pen; difficile d’imaginer plus captivant, non?

Et pourtant, en Corée du Sud, les électeurs vont voter mardi non seulement pour remplacer une présidente destituée à la suite d’un spectacula­ire scandale de corruption, mais aussi pour décider quelle attitude adopter à l’égard d’un voisin qui menace, un jour sur deux, de réduire le pays en cendres.

ÉVITER L’ANÉANTISSE­MENT

Rien pour mettre les choses en perspectiv­e comme d’être menacé de destructio­n nucléaire. Les Sud-Coréens ont oscillé, au fil des ans et des élections, entre tenir tête au régime communiste du nord et tendre la main dans l’espoir de l’apaiser.

Cette fois-ci, alors que la Corée du Nord se prépare, selon les experts, à effectuer un sixième essai nucléaire et que, de l’autre côté de l’océan Pacifique, le président américain s’agite en envoyant vers la région porte-avion et sous-marins, les électeurs sud-coréens s’apprêtent à remettre le pouvoir à un homme qui cherche tout, sauf le trouble.

Moon Jae-in, le candidat du Parti démocrate, se dirige vers une solide victoire, selon les sondages. Ancien avocat de défense des droits de la personne et chef de cabinet du président Roh Moo-hyun dans les années 2000, Moon a mis l’accent sur les réformes économique­s et sociales que tant de Sud-Coréens exigent après le scandale de corruption qui a conduit à la chute de la présidente Park Geun-hye.

Moon a toutefois été rattrapé, au cours de cette campagne éclair, par les réalités diplomatiq­ues: d’un côté, Pyongyang, ses missiles et son programme nucléaire, de l’autre, Washington et son imprévisib­le président.

LE RETOUR DU « RAYON DE SOLEIL »

Le candidat de 64 ans porte un jugement implacable à l’égard de la politique de confrontat­ion adoptée, au cours des 10 dernières années, par les gouverneme­nts sud-coréens conservate­urs face à la Corée du Nord: loin de placer Kim Jong-un sur la défensive, le jeune leader nord-coréen n’a fait que durcir son ton, maintenir un niveau alarmant élevé d’investisse­ments militaires et percevoir toute coopératio­n avec les Américains comme une «provocatio­n révoltante».

Moon Jae-in — aux portes de la «Maison bleue», la Maison-Blanche sud-coréenne — a su jouer des approximat­ions du président américain. Donald Trump, tout en affirmant que les États-Unis allaient se charger euxmêmes de régler la crise nord-coréenne si la Chine ne pouvait pas aider, a étonné tout le monde en avançant la semaine dernière qu’il serait «honoré» de rencontrer Kim Jong-un.

«Le président Trump», a indiqué Moon Jae-in au Washington Post, «est plus raisonnabl­e qu’on le perçoit généraleme­nt. Il utilise une rhétorique forte envers la Corée du Nord, mais pendant la campagne présidenti­elle, il s’est dit prêt à discuter avec Kim Jong-un devant un hamburger.»

Une approche pragmatiqu­e dont il veut s’inspirer.

Ce qui s’annonce, en fait, c’est le retour de la «politique du rayon de soleil», une politique de conciliati­on qui, au début des années 2000, a rapproché les deux Corées. L’apaisement n’a pas duré, mais pendant quelques années, les tensions ont réellement baissé dans la péninsule. C’est ce à quoi semblent aspirer les électeurs sud-coréens, pris dans la tourmente une nouvelle fois.

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