1792 : une belle réussite
En plus de souligner le 225e anniversaire de nos institutions parlementaires nationales, le collectif 1792 à main levée raconte aussi la naissance de la bande dessinée dans sa forme définitive. N’en déplaise au Suisse Rodolph Töpffer (L’Histoire de M. Jabot, 1833) et à l’Américain Rudolph Dirk (The Katzenjammer Kids, 1896), c’est au Québec que revient la paternité du premier récit narratif découpé en cases et orné de phylactères. Lors de la première campagne électorale du Bas-Canada, en 1792, un graveur – fort probablement John George Hochstetter – produisit le prospectus
À tous les électeurs, une illustration divisée en deux parties égales, soit un plan d’ensemble à droite et trois cases constituées d’un champ et contrechamp à gauche.
À la suite de cette découverte du chercheur Michel Viau, publicisée dans le programme du Festival de bande dessinée francophone de Québec de 2015, l’historien de l’Assemblée nationale Christian Blais a non seulement eu l’idée d’arrimer ladite BD au projet anniversaire, mais aussi de faire du médium la pierre angulaire. «Nous avons ciblé quatre moments charnières des débuts de l’histoire parlementaire et nous avons lancé un appel à tous afin de recruter un artiste par chapitre», explique l’historien.
UNE RÉUSSITE COMPLÈTE
Parmi les 112 candidatures reçues, celles du vétéran Réal Godbout (Red Ketchup, L’Amérique ou le disparu), de Voro (Été 1963, La mare au diable), de Vincent Giard (coéditeur de La mauvaise tête et auteur des Pièces détachées) et de Van (qui y signe sa première BD) ont été retenues. Une distribution cinq étoiles qui non seulement sert à merveille l’entreprise, mais brosse également un panorama actuel du neuvième art québécois. «Nous avons eu une liberté de création totale, affirme Voro. Christian Blais nous a rempli la tête d’histoires, puis nous a envoyé travailler. Ce fut un réel bonheur à faire!»
Si le plaisir est contagieux au contact de ce superbe ouvrage, c’est en partie parce qu’il a été piloté de main de maître par Michel Giguère, un érudit du médium bien connu dans la vieille capitale qui a été recruté à titre d’expert-conseil pour l’occasion. «D’entrée de jeu, j’ai indiqué que je n’avais aucun intérêt à m’associer à un énième projet BD “historique institutionnelle de commande didactique” qui résume et explique les événements au lieu de les raconter, et que les auteurs comme les lecteurs trouvent finalement ennuyeux, avoue-t-il. C’était audacieux pour une institution hautement ancrée dans la tradition de se lancer dans un tel projet. Les décideurs n’ont pas bridé leur audace en si bon chemin: ils nous ont fait confiance jusqu’à la fin!»
1792 à main levée évite les habituels écueils du genre et trouve un parfait équilibre entre création et matériel didactique. Assurément l’album-surprise de 2017!