Madame est fâchée !
Avec Autopsie d’une femme plate, son dernier roman, Marie-Renée Lavoie suscitait des attentes: le titre est accrocheur et l’auteure a acquis une belle renommée depuis le succès populaire et critique de son premier roman,
La Petite et le Vieux, paru en 2010. Elle a su y répondre en livrant un récit drôle et énergique.
En 21 chapitres présentés comme autant de «fois où», Marie-Renée Lavoie décortique les états d’âme de Diane Delaunais, femme larguée par son mari après 25 ans de mariage. Monsieur voulait être heureux, et le bonheur n’était plus à la maison, plutôt dans celle d’une collègue passablement plus jeune. Scénario connu, mille fois vécu au cinéma, dans les romans, dans la vraie vie. Scénario tellement courant que le mode d’emploi souhaité est bien établi: se séparer amicalement, sans effusions. À quoi sert de s’énerver, n’est-ce pas, si l’amour n’y est plus?
Sauf que Diane, la femme plate de Marie-Renée Lavoie, est non seulement triste et bouleversée, elle est aussi en beau maudit. Assez fâchée pour ne pas pouvoir le cacher. Et ça va donner, sur fond d’humour, des scènes de colère totalement jubilatoires. Non, c’est pas joli s’emporter, mais qu’est-ce que ça soulage une héroïne… et la lectrice (le lecteur devrait suivre aussi)!
On passe donc d’une page à l’autre en riant non seulement des dialogues et des situations, mais aussi des gestes d’éclats posés par Diane, qui n’est vraiment pas plate!
Le défoulement au féminin reste encore rarement mis en scène, se cantonnant aux répliques cinglantes, au mieux à madame qui balance les effets d’un monsieur volage par la fenêtre. Diane Delaunais, elle, s’emporte à fond et le fait sans s’excuser. Vive Facebook pour annoncer à la terre entière que le mari nous plante pour une autre; hop la masse pour démolir les meubles de la vie à deux; passe par là la belle-soeur qui fait fi de la séparation et voudrait encore qu’on garde sa marmaille. Quant à la nouvelle flamme de l’ex qui vient voir Diane pour faire copinecopine, la réplique sera simplissime d’efficacité pour créer un beau malaise. Nous, on rigole! Et on aime bien que l’exutoire soit aussi franc.
Mais derrière ces moments loufoques, on voit une femme qui, d’abord tentée de se laisser couler, peu à peu se reconstruit. Pas question d’apitoiement ici, ni, et heureusement, de «happy ending» romantique. On trouve plutôt une dérision qui aide à confronter les blessures, une indispensable chum de fille (Claudine, qui a déjà vécu tout ça), une très professionnelle psy, et des alliances échangées contre des bottes italiennes qui s’avèreront fort utiles.
Marie-Renée Lavoie nous fait traverser tous les états d’âme de son héroïne d’une écriture vive, qui fait flèche de tout bois: on ne s’ennuie pas une seconde, accompagnant sa Diane partout, même dans les situations les plus invraisemblables. Après tout, on l’aime, nous, cette femme plate.