Le Journal de Montreal

Partis politiques : bon débarras !

- Richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Avec la victoire d’Emmanuel Macron, qui a fait mordre la poussière à la droite et à la gauche, et celle de Donald Trump, qui s’est présenté sous la bannière républicai­ne alors qu’il se foutait du programme de son parti comme de l’an 40, plusieurs commentate­urs se demandent si on n’assiste pas à la fin des partis politiques.

Il est toujours présomptue­ux d’annoncer la fin de quoi que ce soit. Comme disait Mark Twain: «Les rumeurs concernant ma mort sont très exagérées.»

Cela dit: mettons que ce soit vrai. Mettons que les partis politiques soient effectivem­ent en train d’agoniser.

Et alors? Va-t-on vraiment s’ennuyer d’eux?

UN CARCAN IDÉOLOGIQU­E

Des politicien­s qui refusent d’exprimer tout haut ce qu’ils pensent tout bas pour ne pas nuire à la «ligne de parti».

Des chefs qui défendent des politiques auxquelles ils ne croient pas pour respecter «les positions historique­s» de leur parti.

(Pensons ici à Pierre Karl Péladeau qui a eu le malheur de se questionne­r sur la pertinence du Bloc québécois, et qui a dû faire amende honorable auprès des gardiens de l’orthodoxie péquiste, alors qu’il avait tout à fait raison de poser cette question…)

Des personnali­tés plus grandes que nature qui doivent courber le dos et pencher la tête pour entrer dans «le cadre» du parti.

Des politicien­s qui voudraient appuyer une propositio­n d’une formation adverse, mais qui ne le font pas pour ne pas nuire à leur parti. Etc. Vous trouvez que ça nous fait avancer?

Comme l’écrivait Simone Weil dans Note sur la suppressio­n générale des partis politiques (1940): «Dans un parti, le mobile de la pensée n’est plus le désir inconditio­nné de la vérité, mais le désir de la conformité avec un enseigneme­nt établi d’avance.»

Bref, il ne s’agit plus de penser juste, mais de penser «correcteme­nt», c’est-à-dire dans le sens du parti qu’on est censé représente­r.

VIVE LA LIBERTÉ DE PENSER!

Prenez de Gaulle ou Churchill. Ces deux hommes auraient été de Gaulle et Churchill, quel que soit le parti qu’ils eurent dirigé.

Churchill changeait d’ailleurs plus souvent de parti politique que de chemises…

Vous imaginez comment réagiraien­t les membres d’un parti si leur chef disait (je cite encore Simone Weil): «Dorénavant, toutes les fois que j’examinerai n’importe quel problème politique ou social, je m’engage à oublier le fait que je suis membre de tel groupe, et à me préoccuper exclusivem­ent de discerner le bien public et la justice»?

Ça serait le branle-bas de combat! On demanderai­t tout de suite sa démission!

Pourtant, ce chef aurait amplement raison.

Qu’est-ce qu’on veut? Un politicien qui dit exactement ce qu’il pense et qui examine chaque problème sans aucune arrière-pensée, sans aucun préjugé idéologiqu­e, en toute liberté, ou un chef qui se contente de répéter bêtement le programme de son parti?

CHAMPAGNE!

Les péquistes pensent comme des péquistes, les libéraux comme des libéraux…

Êtes-vous comme ça, vous? Alignezvou­s chacune de vos pensées et de vos opinions sur des programmes coulés dans le béton? Bien sûr que non. Les partis sont morts? Parfait, apportez le champagne!

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