Une présidence de moins en moins « normale »
Le renvoi du directeur du FBI James Comey confirme quelques-unes des craintes qu’on entretenait sur la perspective d’une présidence Trump.
Donald Trump bouscule les conventions. Ses partisans plaident que le système américain a bien besoin d’être bousculé.
Ses opposants pensent plutôt que le virage entamé par Trump risque d’affaiblir l’État de droit au profit d’une clique de ploutocrates.
Au pouvoir, Trump multiplie les gestes «anormaux», mais certains de ces gestes ne portent pas tant à conséquences, comme ses nombreuses déclarations intempestives ou contradictoires, qu’on s’accoutume à ne pas trop prendre au sérieux.
Il en va autrement avec le congédiement de James Comey. Ce geste est à la fois anormal, important et inquiétant.
LA CONSTITUTION VS LA MÉTHODE TRUMP
Récemment, Donald Trump déclarait candidement qu’être président était plus compliqué que de régner en roi et maître sur l’entreprise familiale.
Et pour cause! Les architectes de la Constitution américaine tenaient absolument à éviter que le président se comporte en monarque ou en dictateur, et c’est tant mieux.
Ainsi, Trump a déjà essuyé des revers face aux résistances des tribunaux et du Congrès.
Parmi les contrôles et contrepoids établis par la Constitution et les traditions politiques américaines, le FBI occupe une place particulière. Même si son directeur relève du président, la norme lui confère une large part d’indépendance, car son organisme détient le pouvoir d’enquêter sur toutes les activités criminelles, même celles qui pourraient impliquer le président ou son entourage.
Tout cela va à l’encontre de la méthode Trump, qui dicte de virer quiconque se trouve en travers de son chemin. Par exemple, un procureur fédéral de New York a été congédié alors qu’il menait des enquêtes sur l’organisation Trump. Plus récemment, la sous-secrétaire à la Justice Sally Yates s’est fait montrer la porte en rapport avec l’affaire Flynn.
LES CONSÉQUENCES IMMÉDIATES
Selon Trump, Comey méritait la porte parce qu’il avait agi de façon injuste à l’égard d’Hillary Clinton. Ce prétexte a fait sursauter une moitié de Washington et s’esclaffer l’autre moitié.
La vraie raison du congédiement de Comey était qu’il souhaitait intensifier l’enquête du FBI sur la possible collusion entre la campagne de Trump et des agents russes.
Le congédiement complique la poursuite de ces enquêtes, mais il contribue surtout à alourdir les soupçons qui pèsent sur Trump et son entourage.
LES CONSÉQUENCES PLUS PROFONDES
Ce qui importe plus, c’est qu’en allant une nouvelle fois à l’encontre des normes non écrites du jeu politique, Donald Trump contribue à affaiblir l’État de droit et à compromettre ce qui fait la force du modèle démocratique américain.
C’est pourquoi il n’est pas exagéré de dire que la présidence de Donald Trump n’est pas «normale».
Ce n’est tant pas le fait qu’il entraîne les politiques de l’État américain vers la droite qui inquiète, c’est plutôt que chacun de ses gestes hors normes contribue à affaiblir les fondements mêmes de l’État de droit.