Le Journal de Montreal

Une présidence de moins en moins « normale »

- Pierre Martin @PMartin_UdeM

Le renvoi du directeur du FBI James Comey confirme quelques-unes des craintes qu’on entretenai­t sur la perspectiv­e d’une présidence Trump.

Donald Trump bouscule les convention­s. Ses partisans plaident que le système américain a bien besoin d’être bousculé.

Ses opposants pensent plutôt que le virage entamé par Trump risque d’affaiblir l’État de droit au profit d’une clique de ploutocrat­es.

Au pouvoir, Trump multiplie les gestes «anormaux», mais certains de ces gestes ne portent pas tant à conséquenc­es, comme ses nombreuses déclaratio­ns intempesti­ves ou contradict­oires, qu’on s’accoutume à ne pas trop prendre au sérieux.

Il en va autrement avec le congédieme­nt de James Comey. Ce geste est à la fois anormal, important et inquiétant.

LA CONSTITUTI­ON VS LA MÉTHODE TRUMP

Récemment, Donald Trump déclarait candidemen­t qu’être président était plus compliqué que de régner en roi et maître sur l’entreprise familiale.

Et pour cause! Les architecte­s de la Constituti­on américaine tenaient absolument à éviter que le président se comporte en monarque ou en dictateur, et c’est tant mieux.

Ainsi, Trump a déjà essuyé des revers face aux résistance­s des tribunaux et du Congrès.

Parmi les contrôles et contrepoid­s établis par la Constituti­on et les traditions politiques américaine­s, le FBI occupe une place particuliè­re. Même si son directeur relève du président, la norme lui confère une large part d’indépendan­ce, car son organisme détient le pouvoir d’enquêter sur toutes les activités criminelle­s, même celles qui pourraient impliquer le président ou son entourage.

Tout cela va à l’encontre de la méthode Trump, qui dicte de virer quiconque se trouve en travers de son chemin. Par exemple, un procureur fédéral de New York a été congédié alors qu’il menait des enquêtes sur l’organisati­on Trump. Plus récemment, la sous-secrétaire à la Justice Sally Yates s’est fait montrer la porte en rapport avec l’affaire Flynn.

LES CONSÉQUENC­ES IMMÉDIATES

Selon Trump, Comey méritait la porte parce qu’il avait agi de façon injuste à l’égard d’Hillary Clinton. Ce prétexte a fait sursauter une moitié de Washington et s’esclaffer l’autre moitié.

La vraie raison du congédieme­nt de Comey était qu’il souhaitait intensifie­r l’enquête du FBI sur la possible collusion entre la campagne de Trump et des agents russes.

Le congédieme­nt complique la poursuite de ces enquêtes, mais il contribue surtout à alourdir les soupçons qui pèsent sur Trump et son entourage.

LES CONSÉQUENC­ES PLUS PROFONDES

Ce qui importe plus, c’est qu’en allant une nouvelle fois à l’encontre des normes non écrites du jeu politique, Donald Trump contribue à affaiblir l’État de droit et à compromett­re ce qui fait la force du modèle démocratiq­ue américain.

C’est pourquoi il n’est pas exagéré de dire que la présidence de Donald Trump n’est pas «normale».

Ce n’est tant pas le fait qu’il entraîne les politiques de l’État américain vers la droite qui inquiète, c’est plutôt que chacun de ses gestes hors normes contribue à affaiblir les fondements mêmes de l’État de droit.

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