Le Journal de Montreal

Donald Trump et Network ( 1976 )

- richard Martineau richard.martineau@quebecorme­dia.com

Après Le Parrain et La Crise, un autre film qui nous permet de mieux comprendre l’actualité:

Network, de Sidney Lumet, que j’ai cité à maintes reprises dans ma chronique.

Fable grinçante sur le monde des médias, ce chef-d’oeuvre mettant en vedette Peter Finch, Robert Duvall et Faye Dunaway annonçait sans le savoir l’élection de Donald Trump, le phénomène des fake news, la montée du populisme et le cynisme des gens envers l’establishm­ent politique et médiatique.

Quarante et un ans après sa sortie en salles, il est étonnant de voir à quel point le scénariste de ce film (le génial Paddy Chayefvsky, célèbre pour ses colères épiques) avait tout prévu.

C’est bien simple, on dirait que ce miroir déformant de notre époque a été réalisé cette semaine!

LA COLÈRE DU PEUPLE LA MORT EN DIRECT

Le héros, Howard Beale, est un chef d’antenne dépressif. Propulsé à la tête d’une émission d’affaires publiques après avoir annoncé qu’il se suicidera en ondes, cet homme devient un héros national, une sorte de Jean-Luc Mongrain sur l’acide.

Porte-voix de la colère du peuple, il débute toujours son émission de la même façon: «Je veux que vous vous leviez tous, que vous alliez à votre fenêtre et que vous hurliez: “Je suis fou de rage, je commence à en avoir ras le bol!”»

«Criez avec moi, allez! JE SUIS FOU DE RAGE ET JE COMMENCE À EN AVOIR RAS LE BOL!» Ça ne vous rappelle pas quelqu’un? Comme Beale, Trump a surfé sur la hargne et le ressentime­nt des petites gens. Dans les années 1970, c’était la crise du pétrole et l’inflation qui mettaient les citoyens en colère; aujourd’hui, c’est la corruption et la mondialisa­tion.

Une autre réalité, mais le même résultat explosif.

Pour ceux qui n’ont pas vu le film et qui prévoient le louer ou le télécharge­r, avertissem­ent: je vais maintenant dévoiler des éléments de l’intrigue.

Au début, Beale brise tous les records de cotes d’écoute de la station. Les gens se reconnaiss­ent dans cet homme qui hurle sa haine chaque jour à la télé.

Mais après un certain temps, le public se lasse. Non seulement Beale répète-t-il toujours le même discours déprimant (contre les politicien­s, les banques et les médias qui mentent à la population), mais son comporteme­nt est de plus en plus erratique.

Plus ça va, plus on se rend compte que cet homme n’est pas bien dans sa tête.

Résultat: inquiets, ne sachant que faire avec le monstre qu’ils ont créé, les propriétai­res de la station où Beale beugle cinq jours par semaine décident de l’abattre en direct, au beau milieu de son émission.

VERS UNE DESTITUTIO­N ?

C’est exactement ce qui se passe en ce moment!

Au début, Trump pouvait paraître drôle, rafraîchis­sant. Certains se disaient que malgré tous ses défauts, il était l’électrocho­c dont le pays avait besoin.

Mais aujourd’hui, on rit de moins en moins. L’homme (on l’a vu cette semaine, avec son congédieme­nt du patron du FBI et ses tweets hystérique­s) est franchemen­t inquiétant.

Tellement que certains constituti­onnalistes sérieux se demandent si le président ne pourrait pas être destitué.

Une oeuvre prophétiqu­e, à voir absolument.

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Un film qui a prévu le phénomène Trump...
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