Fête des Mères d’une quasi centenaire
La famille d’une Arménienne arrivée à Montréal en 1970 et qui a engendré une cinquantaine de descendants célèbre aujourd’hui le 100e anniversaire de leur matriarche à l’occasion de la fête des Mères.
«Je suis nerveuse», a confié Kathoune Yamine Nasri dès l’arrivée du Journal dans sa maison. Avant de commencer l’entrevue, elle a candidement demandé à Louise, son infirmière, de lui apporter une pilule pour calmer ses nerfs.
La femme de 99 ans, qui ne sait ni lire ni écrire, incarne assurément la force tranquille de la famille Nasri. Elle a toujours préféré encourager ses enfants, devenus des entrepreneurs prospères, à défoncer les barrières qui s’élevaient devant eux.
MARIÉE À 14 ANS
Même à 99 ans, pas question pour elle de laisser tomber les perles, les écharpes et les bijoux dorés. Toute sa vie, elle a été guidée par une fierté sans bornes et un désir fidèle de faire rayonner sa famille.
La fervente chrétienne, originaire de Mardin, en Turquie, s’est fait passer la bague au doigt à 14 ans.
«On s’est mariés la première journée qu’on s’est rencontrés. C’était comme ça à l’époque. J’ai eu un mariage arrangé, mais on a fini par développer une belle relation de respect et d’amour», a-t-elle confié.
Après avoir eu neuf enfants, le couple s’est installé à Montréal pour leur assurer un meilleur avenir.
«Je savais qu’ils avaient la fibre entrepreneuriale et je voulais qu’ils fassent de grandes choses», a-t-elle dit.
Ils ont acheté une maison dans Ahuntsic-Cartierville et la nonagénaire y vit toujours. Un an après leur arrivée, le mari de Mme Nasri est mort d’une crise de coeur. À partir de ce moment, elle a dû s’occuper seule de sa marmaille.
De nature très exigeante, la dame voulait que ses enfants se trouvent du travail vite. Pas question qu’ils sortent dans les bars, qu’ils errent dans les rues du quartier sans raison ou qu’ils participent à des tournois improvisés de gambling.
SÉDUITE PAR MONTRÉAL
Née à une époque et dans un pays où les femmes étaient placées au second rang de la société, Mme Nasri n’a jamais eu la chance d’aller à l’école ni de se bâtir une carrière. Elle a rapidement été séduite par les opportunités qu’offrait Montréal et par sa modernité et a encouragé ses enfants à se lancer en affaires.
Son souhait le plus cher était que ses descendants bénéficient du respect et de la reconnaissance qu’elle n’avait jamais eus.
Près de 50 ans plus tard, son rêve a été amplement exaucé. La famille Nasri s’est taillé une place de choix dans le domaine de la mode et a connu du succès à l’international. Elle est, notamment, à l’origine des marques Bedo, Nasri Frères et Ça va de soi.
L’élégance et le bon goût de la grande matriarche des Nasri ont aussi inspiré ses enfants à choisir l’industrie de la mode. Celle qui franchira bientôt le cap des 100 ans est catégorique: sa plus grande fierté demeure la réussite en affaires de sa famille.