Le Journal de Montreal

Une idée québécoise profite à Toronto

La mise sur pied de la Banque fédérale de l’infrastruc­ture en Ontario fait rager Michel Leblanc

- FRANCIS HALIN c Francis.Halin @quebecorme­dia.com

La pilule ne passe pas pour le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolit­ain Michel Leblanc, qui accuse Ottawa de s’être approprié une idée d’ici aux dépens du Québec. Une décision qui privera la province d’une institutio­n fédérale dotée d’une enveloppe d’investisse­ments de 35 G$. Cette perte risque de faire mal longtemps.

Pourquoi la décision d’Ottawa vous dérange-t-elle autant?

Tout monde en ville sait que l’idée de cette banque vient du président de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Michael Sabia. C’est un modèle québécois qui a été repris par Ottawa. La Banque aurait été une occasion unique et stratégiqu­e pour le Québec. Il n’y en aura pas deux comme celle-là. Nous, on regarde ça, et on se dit que l’idée vient d’un Montréalai­s, que nous avons la Caisse de dépôt et placement du Québec et l’important fonds PSP qui investit dans les infrastruc­tures. On ne dit pas que cette banque ne peut pas être située à Toronto. On pense que le Québec aurait été le bon choix pour une telle institutio­n.

Avez-vous l’impression que la voix du Québec a été entendue à Ottawa?

Je ne m’en cache pas. Je pense que le ministre des Finances, qui fait par ailleurs du bon travail sur plusieurs dossiers, vient de Toronto, et qu’il a ses antennes dans cette ville. Conséquenc­e, il a probableme­nt été très perméable, avec le temps, aux arguments de Toronto. Il est sûrement devenu celui qui a convaincu Ottawa de pencher pour Toronto. Je soulève la question: Qui était le contrepoid­s pour faire valoir les arguments du Québec à Ottawa? Je me pose encore la question. Ça reste ouvert.

Mais Montréal était-elle vraiment mieux positionné­e que Toronto ?

Nous sommes la capitale du Canada en infrastruc­ture! Notre secteur financier était amoché, ces dernières années, mais il a repris de la profondeur depuis une bonne quinzaine d’années, et est sur une lancée. Montréal monte dans les palmarès mondiaux. Cette Banque de l’infrastruc­ture aurait permis d’attirer l’expertise propre à cette banque-là, mais aussi les grands fonds d’investisse­ment de la planète: les fonds souverains, les fonds inscrits en bourse et d’autres fonds privés. Regardez ce qui s’est passé la semaine dernière. Il y avait une rencontre à Toronto, et tous les représenta­nts de ces fonds majeurs étaient là. Il aurait fallu attirer ces gens-là à Montréal.

Qu’est-ce que le Québec perd concrèteme­nt avec cette décision?

Une partie de la richesse des grands centres financiers du monde, comme Londres ou encore New York, est d’offrir des emplois en finance de haut calibre bien rémunérés. La Banque de l’infrastruc­ture du Canada aurait pu avoir des effets bénéfiques parce qu’elle aurait eu un effet de levier sur les autres secteurs de l’économie. Prenez l’exemple des commerçant­s qui auraient profité de ce climat d’affaires parce que leurs clients auraient eu plus d’argent à dépenser.

Le milieu des affaires en a-t-il fait assez pour attirer cette banque?

Oui, il y a eu une mobilisati­on exemplaire du milieu des affaires, et ce, dès le début. Certains sont même allés sur la place publique. D’autres sont intervenus sans nécessaire­ment l’étaler au grand jour. Le gouverneme­nt du Québec a fait valoir ses intérêts également. Mais au final, c’est une décision d’Ottawa.

L’industrie des technos de la finance risque-t-elle de déménager à Toronto?

Non, parce que l’intelligen­ce artificiel­le est extrêmemen­t développée à Montréal. Pour les Fintech, les possibilit­és liées à l’intelligen­ce artificiel­le sont aussi importante­s que celles liées au monde de la finance. Le potentiel est énorme. Il risque d’y avoir une certaine effervesce­nce des investisse­ments et des startups dans ce domaine au cours des prochaines années.

L’Agence d’investisse­ment direct étranger est-elle le prix de consolatio­n?

Non, je n’appelle pas ça un «prix de consolatio­n». Cette agence aura un rôle très important. Elle sera logée ici. Elle permettra de mettre en valeur les atouts du Canada à l’étranger. Comme elle sera située au Québec, elle sera assez familière avec ce qui se passe dans sa cour. Nous avons créé Montréal Internatio­nal bien avant tout le monde… Toronto vient de se doter d’un pareil outil, mais c’est nouveau pour eux.

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