Le Journal de Montreal

Une bédéiste trans perd ses créations et son logement

Quotidienn­ement victime de harcèlemen­t en ligne, elle craint pour sa sécurité

- AriAne LAbrèche Vous pouvez soutenir la BD de Sophie Labelle en ligne au www.patreon.com/sophielabe­lle

Une bédéiste transgenre de Montréal craint pour sa sécurité depuis que ses oeuvres et ses pages Facebook ont été piratées et que son adresse personnell­e a été rendue publique sur des forums haineux.

La Montréalai­se Sophie Labelle était chez une amie, le mardi 16 mai, lorsque son téléphone s’est mis à vibrer. «Mes harceleurs en ligne fanfaronna­ient parce qu’ils avaient mis la main sur mon adresse personnell­e», raconte celle qui est l’auteure de la BD Assignée Garçon, une oeuvre au discours positif qui tente d’offrir un lieu de refuge aux jeunes trans par le dessin. Ses bandes dessinées trouvent toutefois un écho encore plus grand à l’internatio­nal dans leur version anglophone, Assigned Male Comics.

LANCEMENT ANNULÉ

L’artiste trans dans la vingtaine a dû faire une véritable «mission d’espionnage» pour retourner chez elle pour la nuit, avant de s’envoler pour Halifax mercredi.

C’est depuis son hôtel qu’elle a partagé son histoire. «J’étais censée avoir un lancement de livre à Halifax, mais la librairie a reçu trop de menaces, alors ça a été annulé», soupire-t-elle au bout du fil.

Depuis trois ans, Sophie Labelle doit subir au quotidien un féroce harcèlemen­t en ligne. La situation s’est toutefois grandement dégradée le 17 mai, qui est aussi ironiqueme­nt la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobi­e.

«Depuis samedi, j’ai reçu 20000 messages haineux, tant par Facebook que par mes courriels, relate la bédéiste. Mercredi, tout le contenu de mes pages Facebook a été effacé, tout ce que je partage depuis trois ans gratuiteme­nt avec mes lecteurs. Quand j’ai vu ça à 2h du matin mercredi, j’étais au désespoir.»

«Les trans, ça n’existe pas; vous devriez tous être gazés; vous devriez tous vous suicider»: la majorité du public ignore la violence qui est déversée chaque jour en ligne sur les personnes trans.

CONTINUER MALGRÉ TOUT

Sophie Labelle est également la cible de racistes, elle qui met en scène beaucoup de personnage­s racisés. Malgré tout, la bédéiste refuse de faire appel à la police.

«Beaucoup de personnes trans ne font pas confiance à la police. Moi-même, par le passé, j’ai voulu aller chercher de l’aide et j’ai été victime de transphobi­e: les policiers me désignaien­t comme un homme habillé en femme et m’appelaient par mon prénom de naissance, même si j’ai commencé à transition­ner à 13 ans. C’était ridicule», détaille-t-elle.

Sophie Labelle ne se laisse toutefois pas intimider et souhaite continuer de créer sa BD, tout en cherchant un nouveau logement. «J’ai un discours très positif, qui montre que ça peut être bien d’être trans. Ça enrage beaucoup de personnes, mais il y a trop de jeunes qui voient ma BD comme un refuge contre les obstacles que leur impose la société pour que j’arrête de la dessiner», martèle-t-elle.

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Sophie Labelle a été victime d’une campagne de harcèlemen­t en ligne et a vu toutes ses pages Facebook effacées et son adresse personnell­e divulguée, le 17 mai.

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