Le Journal de Montreal

Tolérance zéro et des quotas d’arrestatio­ns

- ANNABELLE BLAIS

À certains moments de l’année, les magasins sont pris d’assaut et la pression monte d’un cran pour les agents de sécurité.

«Le fort achalandag­e à Noël en fait une période propice au vol», explique LouisPhili­ppe Bourdon, directeur des opérations, Québec et Est du Canada, pour la firme ASAP Secured, qui compte plusieurs magasins parmi ses clients.

«Si certains magasins ont leur propre départemen­t de prévention des pertes, d’autres font appel à des agences privées externes pour des besoins ponctuels, comme [pendant] le temps des Fêtes ou le Black Friday, car il y a plus de monde, donc plus de vols», ajoute François Barbeau, vice-président en solutions de prévention des pertes pour la firme d’enquête et de protection privée Sirco.

tolérance zéro

Ils doivent avoir l’oeil ouvert. Plusieurs boutiques ont une politique de tolérance zéro concernant les voleurs, quel que soit le montant du vol.

Un agent qui a travaillé dans des épiceries, mais qui a voulu rester anonyme, raconte avoir dû arrêter un homme qui avait volé un sac de fromage en grains, à 3,99 $.

«Certains commerces ne poursuivro­nt pas pour des vols de moins de 15 $, affirme M. Bourdon, mais la politique de tolérance zéro permet de s’assurer que le problème ne prendra pas d’ampleur. Les réseaux [de voleurs] se parlent, et ils vont savoir si un commerce ne poursuit pas systématiq­uement.»

quotas d’arrestatio­ns

Ariane Lamothe, qui a travaillé sept ans comme agente de sécurité et de prévention des pertes dans des magasins comme Zellers, déplore que certains commerces aient instauré des quotas d’arrestatio­ns.

«Il y a beaucoup de pression du magasin pour faire un nombre x d’arrestatio­ns. La direction s’attend à des résultats», explique-t-elle.

M. Bourdon confirme que les quotas sont une pratique existante.

«Le but de ces objectifs est d’avoir un rendement. On le voit surtout dans les magasins qui ont leur propre équipe de prévention. Mais de notre côté, on ne travaille pas avec des quotas», dit-il.

«J’ai déjà été dans le trouble parce que je n’ai pas voulu arrêter un homme qui mangeait un sandwich qu’il venait de voler. Je voyais bien qu’il était dans le besoin», illustre Mme Lamothe. L’ancienne agente se sentait aussi démunie face à l’absence d’aide pour certains récidivist­es.

métier risqué

«Certains souffrent d’une maladie. J’ai déjà eu le cas d’une madame qui venait tous les mois et nous volait. On le savait, on la connaissai­t. J’ai dû l’arrêter huit fois. Le système est mal fait pour ce genre de personnes. On leur interdit d’entrer dans un lieu, on les envoie en prison et ils recommence­nt à leur sortie», déplore-t-elle.

Elle dit aussi avoir reçu un avertissem­ent de ses patrons après avoir fermé les yeux sur un vol de chocolat par un enfant.

«Ça m’a tellement angoissée», soupire-telle. L’accumulati­on de ces cas a fini par peser si lourd qu’elle a préféré cesser de travailler dans les magasins.

Elle souligne que le métier comporte aussi son lot de risques. L’été passé, un agent de sécurité d’une pharmacie Jean Coutu du centre-ville de Montréal a d’ailleurs été poignardé par le voleur qu’il pourchassa­it.

Pour éviter ces risques, ASAP Secured fait signer à chacun des quelque 130agents un formulaire dans lequel ils s’engagent à ne pas poursuivre les voleurs.

« la politique de tolérance zéro permet de s’assurer que le problème ne prendra pas d’ampleur. les réseaux [de voleurs] se parlent, et ils vont savoir si un commerce ne poursuit pas systématiq­uement » – Louis-Philippe Bourdon

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Louis-Philippe Bourdon, d’ASAP Secured, croit qu’un commerce ne peut pas se permettre de laisser passer « les petits vols ».

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