Têtue ? Oui et fière de l’être !

Dans les années 70, la quête d’une pratique spirituelle perçue, à tort, comme moins contraignante que les religions traditionnelles a créé un engouement pour le bouddhisme, cette (alerte à l’ironie) joyeuse philosophie qui enseigne que la vie est souffrance.

J’aimerais intéresser à la pensée bouddhiste ces jeunes féministes qui se lancent, les baguettes en l’air, à l’assaut de moulins à vent au lieu de s’attaquer à la véritable souffrance des femmes dans le monde.

Elles apprendraient que seule la voie du milieu, de la modération, mène, par la parole et l’action justes, à la fin de cette souffrance.

HISTOIRE DE T-SHIRT

C’est la réflexion qui m’est venue en tête quand j’ai lu cette semaine dans Le Journal que l’auteure et documentariste féministe Léa Clermont-Dion a demandé à L’Aubainerie de retirer de ses magasins un t-shirt pour fillettes à cause d’un slogan sexiste à ses yeux: «Têtue? Normal, je suis une fille».

Pas hystérique, sexy, ou stupide, mais têtue. Sur un t-shirt jetable à 7,98$. Pas un tatouage pour l’éternité. On se calme, dirait, je crois, Bouddha. Peut-être est-ce une question de génération, mais selon ma grille d’analyse féministe, dire d’une jeune fille qu’elle est têtue est un joli compliment un peu baveux.

Têtue veut dire entêtée, oui, mais aussi déterminée, tenace, insoumise, persévérante, acharnée. Le mot têtu a une connotation subversive qui évoque le refus d’obéir, de se conformer. Têtu, c’est l’absolu contraire de la soumission.

Ne dit-on pas «femmes de tête» pour décrire celles qui font bouger les choses? Or, l’expression «homme de tête» n’existe pas.

Marie Curie était têtue. Thérèse Casgrain était têtue. Rosa Parks était têtue. Malala est têtue. Françoise David est têtue. Céline Dion ne serait pas devenue une des plus grandes stars au monde sans être un tantinet têtue.

Et puis, depuis quand le mot têtu dénote-t-il un stéréotype féminin? Le grand magazine gai français s’appelle justement Têtu.

Je n’ai pas envie de m’obstiner avec celles qui voient dans ce slogan un stéréotype qui met l’égalité hommes femmes en péril et qui croient important de monter aux barricades pour faire interdire les t-shirts injurieux. Je vais même me retenir d’utiliser le mot «victimite» qui commence à sentir le vieux. Mais je n’en reviens pas qu’on fasse une histoire avec ça.

L’AUBAINERIE FAIT LA CARPETTE

Léa Clermont-Dion a le droit de croire qu’un crime sexiste a été commis, et les médias de rapporter ses paroles. Mais quand une chaîne de magasins de vêtements québécoise, au fait des goûts de sa clientèle, retire un produit aussi inoffensif de ses rayons à cause d’une seule plainte, craignant sans doute la mauvaise publicité, je tremble pour la liberté.

Les censeurs et les inquisitrices du Club de la Mieux-pensance veillent au grain et leur pouvoir grandit de jour en jour sans que personne ne le questionne.

Qu’en penserait Bouddha? Je l’ignore, mais je crois qu’il serait plus perturbé d’apprendre que la majorité des t-shirts dans le monde sont fabriqués en Asie par des femmes qui gagnent des pinottes que par les slogans «sexistes» qu’on y appose.