Un polar efficace
À l’heure où le polar est revisité de tous bords, tous côtés, situé loin dans le temps ou dans les pays les plus tranquilles, les coins les plus exotiques; alors que toutes les figures d’enquêteurs et de tueurs ont été imaginées, toutes les intrigues complexifiées, toutes les manières de raconter exploitées, voici un livre, Jours de haine, dont on peut dire tout simplement que c’est un bon roman policier. Et c’est un vrai compliment.
Avec Jours de haine, Anna Raymonde Gazaille signe le troisième titre d’une série qui met en scène l’inspecteur Paul Morel du Service de police de la Ville de Montréal. Et comme dans les deux ouvrages précédents (Traces en 2013 puis Déni en 2014), il s’agit de suivre jour après jour une enquête menée par des policiers qui ne sont pas des héros, mais plutôt vos voisins, dans une grande ville où les crimes font partie du quotidien et collent à l’air du temps, et où le service de police est aussi une bureaucratie qui a un budget à respecter.
Vous y voyez un lien de parenté avec la série télévisée District 31? De fait, c’est le même genre d’approche. Plausible, sobre, efficace. Si simple qu’on s’étonne soi-même d’être autant accroché par le récit. Et pourtant, on tourne la page, pris dans les développements qui se succèdent.
TROIS HISTOIRES
Dans Jours de haine, l’histoire se divise en trois — parce que des policiers dans une grande ville ne vivent pas que d’un crime à la fois. Il y a cet homme que l’on soupçonne d’être derrière toute une série de meurtres, mais contre qui il manque des preuves. Il y a un tueur qui cible des policiers et leur entourage. Et il y a la femme d’un détective, elle-même agent secret, qui disparaît.
Pour démêler tant d’écheveaux, l’auteure nous entraîne à la suite des enquêteurs: on est littéralement dans les rues de Montréal puis les routes du Québec, comme derrière les bureaux du poste de police. Dans la tête des policiers aussi, confrontés à leurs peurs ou aux soubresauts de leurs vies personnelles. Et dans la tête de l’homme qui vise les policiers.
Le tout est porté par un français maîtrisé, sans effet de style, mais sans relâchement. Les dialogues sont de même niveau, ce qui entache leur réalisme (mais garantit que tout francophone suivra sans peine, ce qui n’est pas un défaut!). On tique au début, puis on s’habitue, vite happés par des personnages attachants et la curieuse intrigue. Où s’en va donc cette histoire à trois étages?
Elle s’en va dans une finale ingénieuse, où tout s’explique à défaut de s’arranger, avec des policiers qui ont fait leur travail, qu’on est très heureux d’avoir fréquentés et qu’on veut continuer à côtoyer.
Vraiment, un bon polar.