Le Journal de Montreal

LOUISE DESCHÂTELE­TS

- louise.deschatele­ts@quebecorme­dia.com

Conséquenc­es inévitable­s du refus d’entrer dans le moule

Je n’ai jamais été comme les autres. Issu d’une famille pauvre où la moindre dépense était scrutée à la loupe, je n’étais pas habillé à la dernière mode et les autres se moquaient de moi. Je mangeais mon lunch dans un coin reculé de la cafétéria pour qu’on ne voit pas ce que contenait ma boîte.

Jamais je ne participai­s aux activités parascolai­res, encore moins aux sorties de groupe. J’ai donc traversé mes années scolaires plutôt seul dans mon coin. Comme j’étais de plus de caractère renfermé, je ne me suis jamais mêlé aux autres. Les rares sorties et activités en famille suffisaien­t à mon bonheur. Avec ma soeur, mon frère cadet et nos parents, nous formions un clan sans grands moyens mais tricoté serré.

J’ai terminé ma scolarité avec de très bonnes notes mais un réseau d’amis réduit à sa plus simple expression, c’est-à-dire personne. Je suis entré à l’université par la petite porte afin d’y faire des études en économie et en informatiq­ue. Encore là, mon parcours fut atypique mais j’ai tracé ma route dans un secteur où j’ai excellé par mes compétence­s. Sur le plan humain ce fut plus ardu car je ne m’y suis fait aucun ami.

J’ai vendu mon entreprise en 2015, et depuis, je me cherche humainemen­t, tout en étant gras dur financière­ment. Je peux donc prendre mon temps pour trouver une nouvelle voie de réalisatio­n personnell­e, mais je sens un gros manque sur le plan humain. Je n’ai pas de compagnon de vie, car je suis gai. Je n’ai pas de famille à part mon frère et ma soeur puisque mes parents sont décédés.

Rendu à 38 ans, je trouve la vie des plus ennuyeuse. Élevé dans le minimalism­e, je ne me permets aucune dépense superflue, car j’en suis incapable. Je mène une vie quasi monacale, alors ça fait fuir tout le monde. Et mon environnem­ent physique, bien que correct, n’a rien pour épater la galerie.

Sans vouloir chercher à plaire à tout le monde, j’aimerais ça qu’on me prête un peu d’attention. Même sur les réseaux sociaux je n’attire personne. Mais dans le fond je m’en fiche, puisque je sais que je n’ai besoin de personne pour fonctionne­r. Je suis sur le point de lancer une nouvelle entreprise et je sais que ça va marcher. Mais pour le reste, c’est le désert. Et c’est ce désert que je voudrais combler pour être enfin un peu heureux. Je ne suis jamais entré dans le moule social, et c’est comme si la vie voulait me le faire payer. Très sûr de moi en affaire, je pers toute assurance dans ma vie personnell­e. Anonyme

Vous êtes effectivem­ent une personne particuliè­re qui se situe en dehors des modèles sociaux habituels. L’assurance profession­nelle que vous avez développée est certaineme­nt la résultante des combats que vous avez menés pour vous sentir fort alors que vous manquiez de réseaux sociaux et d’argent pour vous faire valoir auprès des autres.

Les compétence­s profession­nelles que vous avez développée­s pour vous sentir à la hauteur vous ont permis de réussir profession­nellement. En contre partie, le peu d’aptitudes développée­s en matière d’intelligen­ce émotionnel­le vous a isolé des autres. Votre famille vous suffisait pour vous sentir en vie, mais à partir du moment où vous auriez dû aller vers les autres pour vous construire un cocon familial à vous, vous n’étiez pas équipé pour le faire.

Autrement dit, votre force de caractère s’est révélée un handicap au moment de montrer vos côtés vulnérable­s. D’ailleurs êtes-vous même capable de les identifier? Il serait souhaitabl­e de sortir de votre solitude pour identifier des activités qui vous plaisent et qui seraient utiles pour vous permettre de rencontrer des gens susceptibl­es de devenir des amis. Comme vous me semblez avoir une certaine aisance financière, profitez donc de ça pour travailler à autre chose qu’à gagner de l’argent.

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