Le Journal de Montreal

Un atelier avec Gabriel Garcia Marquez

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De temps en temps, on peut lire, dans les journaux, des invitation­s à participer à des ateliers d’écriture. Ce sont en général des écrivains qui ont fait leurs preuves, ou encore des professeur­s de littératur­e, qui cherchent ainsi à arrondir leurs fins de mois. Parfois, aussi, ce sont de simples quidams. Ces ateliers s’adressent aussi bien aux jeunes, motivés par le désir ardent de devenir auteur, qu’aux personnes âgées, pour qui ce serait une véritable thérapie.

Le présent ouvrage est le fruit d’ateliers de création qui sortent de l’ordinaire. Il ne s’agit pas de n’importe qui, mais d’un monstre sacré, Prix Nobel de littératur­e, l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez (Gabo). Ses ateliers, appelés «Comment raconter une histoire», s’échelonnai­ent sur une semaine et se donnaient dans la petite ville de San Antonio de los Baños, dans la grande banlieue de La Havane, là où Gabo a fondé, dans les années 1980, une École internatio­nale de cinéma et de télévision. Pour l’écrivain colombien, l’écriture d’un roman ou d’un scénario de film procède du même désir de créer une oeuvre de fiction qui se tienne.

La méthode que propose Gabo à ses étudiants, c’est d’écrire plusieurs scénarios de fiction, en osant l’insécurité, sans avoir peur de se tromper, quitte à recommence­r 100 fois. «Il n’y a pas de vraie création sans risque, et donc sans un élément d’incertitud­e», leur dit-il. Mais il y a plus: le romancier veut percer le secret de la création. «Quel est ce mystérieux mécanisme qui transforme le simple désir de raconter une histoire en une véritable passion, en une pulsion assez forte pour qu’un être humain soit capable de mourir pour elle?» Chemin faisant, il est devenu accro au travail de groupe, dit-il. «Ce truc, d’inventer des histoires ensemble, c’est à présent l’un de mes vices.» Mais ce travail, solitaire ou en groupe, est exigeant, il demande «du vécu, de la sensibilit­é, de l’imaginatio­n, de la compassion, des talents d’observatio­n aussi». Et une bonne dose de modestie. Ce qui n’est pas donné à tous.

Si le travail de brainstorm­ing est ici à la base de l’atelier de création, le travail final, celui qui consiste à rassembler tous les fils de l’histoire, revient, à tour de rôle, aux différents participan­ts. Chaque détail, chaque personnage, chaque action et son dénouement sont soumis à une discussion animée. Tous contribuen­t ainsi à donner de l’épaisseur, de l’originalit­é et de la crédibilit­é au récit. Garcia Marquez, lui, y ajoute sa touche personnell­e, une saveur de réalisme magique à laquelle il nous a habitués.

À la fin de l’ouvrage, on assiste à la genèse d’une histoire, dont le canevas de travail est ébauché par Gabo et qui doit déboucher sur une telenovela qu’achèterait une chaîne de télévision. Une seule obligation: on ne doit jamais savoir si on est dans le rêve ou la réalité. «Les rêves ont cet avantage qu’on ne sait jamais s’ils racontent la vérité ou un mensonge», nous dit Gabo.

Ces ateliers d’écriture de Gabriel Garcia Marquez, auxquels participen­t une dizaine de personnes, sont des plus divertissa­nts et instructif­s. Il n’y a pas de recette miracle, bien évidemment. Mais il est toujours intéressan­t d’assister, dans les coulisses, à la naissance d’une oeuvre, écrite et/ou filmée. Pour pouvoir, un jour, faire le grand plongeon et raconter à notre tour une histoire inventée.

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L’atelier d’écriture de Gabriel Garcia Marquez – Comment raconter une histoire Éditions Seghers

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