Le Journal de Montreal

Une banque au-dessus des lois

- MICHEL GIRARD

Non seulement le Québec a-t-il perdu au profit de Toronto le siège social de la nouvelle Banque de l’infrastruc­ture du Canada (BIC), mais en plus le gouverneme­nt Trudeau donne à «sa» banque des pouvoirs décisionne­ls allant jusqu’à ignorer les lois provincial­es et municipale­s.

C’est inacceptab­le. J’invite donc Philippe Couillard et son gouverneme­nt à prendre sérieuseme­nt connaissan­ce de la mise en garde que vient d’effectuer le Bloc québécois au sujet du projet de loi C-44 portant sur la création de la Banque de l’infrastruc­ture du Canada, laquelle a notamment pour mandat d’attirer des investisse­urs privés (caisses de retraite, fonds d’investisse­ment, banques, compagnies d’assurance, etc.) dans le financemen­t des infrastruc­tures publiques parrainées par le gouverneme­nt fédéral.

D’ici 10 ans, le gouverneme­nt fédéral souhaite générer des investisse­ments de 187 milliards $ dans les infrastruc­tures au Canada, dont 35 milliards $ de fonds fédéraux confiés à la BIC. Le reste proviendra­it du secteur privé.

LE PROBLÈME

En devenant mandataire de «Sa Majesté du chef du Canada», la BIC pourra mener «toute activité utile à la réalisatio­n de sa mission que le gouverneur en conseil peut préciser par décret», indique l’article 4 dudit projet de loi C-44.

En quoi cet article 4 est-il si dangereux pour la «souveraine­té» des lois québécoise­s? Il confère à la BIC une foule de privilèges et d’immunités du gouverneme­nt fédéral.

Selon les porte-parole du Bloc québécois Rhéal Fortin et Gabriel SteMarie, l’article 4 équivaut, disent-ils, à donner au gouverneme­nt fédéral le pouvoir de soustraire le milieu financier (investisse­urs privés) de l’applicatio­n des lois québécoise­s et des règlements municipaux, s’il investit dans les infrastruc­tures par l’entremise de la BIC.

Ils laissent entendre que des entreprise­s soutenues par la BIC «pourraient exproprier» des gens en vue de construire un aqueduc, un pont, une route ou un pipeline. Sur simple décret fédéral, rien de moins!

QUE FERA COUILLARD ?

Bien qu’il soit fort mécontent du choix de Toronto comme siège social de la BIC, le gouverneme­nt Couillard a toutefois refusé de donner son aval à la récente propositio­n péquiste visant à créer une Banque de l’infrastruc­ture du Québec. Ce projet de «banque québécoise» visait à récupérer l’argent (au moins 8 milliards $) que le gouverneme­nt Trudeau devrait lui-même investir dans les infrastruc­tures québécoise­s par l’entremise de la BIC.

Que le gouverneme­nt Couillard s’oppose à la création d’une telle banque québécoise nationalis­te n’est pas surprenant en soi. Mais aussi fédéralist­e soit-il, le gouverneme­nt Couillard ne peut quand même pas baisser les bras devant le projet de loi C-44 qui prévoit créer une BIC dont les pouvoirs en matière d’implantati­on d’infrastruc­tures surpassent ceux que les lois provincial­es attribuent au gouverneme­nt du Québec.

Il y a quand même une limite à se faire manger la laine sur le dos! Ou à tout le moins, il devrait y en avoir une!

Voilà pourquoi le gouverneme­nt Couillard devrait proposer à l’Assemblée nationale l’adoption unanime d’une motion qui réclame du gouverneme­nt Trudeau de ne pas conférer à la BIC des pouvoirs outrepassa­nt les lois provincial­es.

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